Le vendredi 16 mars, la veille du lancement officiel par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, du projet de reconstruction de sa flèche, Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques en charge de la basilique cathédrale Saint-Denis, a fait faire le tour des chantiers à un groupe d’une bonne vingtaine de membres de l’Ajp, et ce à l’initiative de Philippe Royer, journaliste à l’hebdomadaire Pèlerin.
Chargé de la basilique cathédrale depuis six ans, Jacques Moulin a fait imprimer un pas de géant à des dossiers de restaurations qui n’avançaient plus depuis des lustres, faute d’élan commun entre toutes les parties : l’Etat, propriétaire, l’Eglise, affectataire, le Centre des monuments nationaux, gestionnaire de la nécropole des rois de France et de la crypte, mais aussi la mairie de Saint-Denis, qui porte ce fameux projet de reconstruction de la flèche nord depuis la fin des années 1980. Accueilli sur le parvis par le Père Jean Jannin, recteur et curé de la basilique, notre groupe a d’abord écouté les explications – érudites, mais toujours énoncées avec clarté – de Jacques Moulin sur la restauration toute récente de la façade, restituée dans son état dit Debret, l’architecte de sa restauration au début du XIXe siècle. Celui-ci œuvra une trentaine d’années sur l’édifice, dégageant les ajouts de ses prédécesseurs, qui avaient en particulier alourdi le massif occidental, avant de se voir retirer le chantier au profit de Viollet-le-Duc. Soucieux d’aller jusqu’au terme de cette restitution, Jacques moulin a même fait reconstruire une horloge, au-dessus du porche central, identique à celle de Debret.
A l’intérieur, les travaux de restauration des premières travées sud de la nef sont en cours. L’architecte a déjà mené celle des vitraux anciens, qui sortent tout juste des ateliers des maîtres verriers, et le réaménagement du chœur, pour lui redonner ce lustre digne d’une basilique royale, qu’un mobilier liturgique « Vatican II » bricolé lui avait ôté. Mandaté par l’Association des amis de la basilique Saint-Denis, Jacques Moulin en a supervisé la maîtrise d’ouvrage. Il a revu les proportions du chœur, et remis à l’honneur son pavement datant du XIXe siècle. La création du nouvel autel et de l’ambon (le support du Livre) ont été confiée, après appel d’offre, à un artiste franco-slovaque, Vladimir Zbynovsky. Celui-ci a conçu un mobilier de pierre et de verre « parfait » – du verre optique : une base en travertin d’Arménie – une roche calcaire extraite d’une carrière au pied du Mont Ararat, à l’Est de la Turquie, sur lequel, selon la légende, l’Arche de Noé se serait échouée, tout un symbole -, surmontée d’une dalle de ce verre, dont le moulage, inédit pour une telle épaisseur, a demandé des trésors d’ingéniosité. Qui plus est l’autel est creusé en son centre d’une croix, dont la lumière naturelle en projette la forme sur le sol de la crypte, juste en dessous.
Jacques Moulin a terminé la visite avec ce projet de reconstruction de la flèche, déposée après avoir été endommagée par la foudre, en 1837. Les journalistes l’ont pressé de question : pourquoi ? Comment ? Combien ? L’idée est de la reconstruire à l’identique – les plans, d’une précision millimétrique, ont été conservés -, et ce dans le cadre d’un chantier pédagogique à l’ancienne, dont le public pourra suivre l’avancement en direct. Sur le modèle de la construction du château de Guédelon, dans l’Yonne, dont Jacques Moulin a été le maître d’ouvrage. « C’est le renouveau de ce projet de flèche, porté avec obstination par la mairie de la ville, et finalement validé par le président François Hollande, qui a servi de déclencheur à toutes les autres restaurations. Il a donné à la basilique cathédrale une visibilité inédite. L’Etat s’est soudainement souvenu de Saint-Denis, alors injustement délaissé et par la tutelle et par le public, et a débloqué des fonds pour la façade, la nef, etc. Sans compter qu’en avril, on passe à la rose sud, dont les vitraux ont été déposés à la suite d’un désordre structurel et remplacés par des plastiques … voici dix ans ».
Cette reconstruction de la flèche devrait coûter 30 millions d’euros, financés en majeure partie par les droits d’entrée des visiteurs, qui pourront accéder jusqu’au pied des travaux en cours. Pas de date butoir, mais au contraire l’envie que ce chantier à l’ancienne dure … le plus longtemps possible. Auparavant, la tour nord, qui va supporter la flèche, sera consolidée grâce à l’injection d’un coulis de maçonnerie dans ses parties les plus fragiles. Début du chantier au printemps 2019. L’Ajp y sera !
Un grand merci à Jacques Moulin, qui nous aura consacré près de 2h30 de visite.
Philippe Royer
Photos GLKraut
Suite à la visite, Georges Levet, secrétaire administratif de l’AJP, a réalisé une vidéo en posant quelques questions à Jacques Moulin.