La Fondation de l’Hermitage à Lausanne consacre sa grande exposition d’été à l’une des plus belles collections privées d’Europe. 120 peintures de Basquiat, Dubuffet, Soulages, Louise Bourgeois, ou Andrew Mansfield, sculptures et installations nous guident à travers l’art occidental des 20è et 21è siècle. Un regard très personnel et sensible sur le cheminement d’un collectionneur très discret.
Réunie depuis les années 1950 par un passionné (anonyme) des Arts, cette collection jamais présentée au public, construite au gré des rencontres et des amitiés avec les artistes et les marchands, des coups de cœur aussi, révèlent un éclectisme certain faisant la part belle à l’art de l’après-guerre ( Jean Dubuffet, Asger Jorn) au néo-expressionnisme (Miquel Barceló, Jean-Michel Basquiat, Anselm Kiefer ou A.R. Penck) aux œuvres poétiques ou ludiques de la création contemporaine de Giuseppe Penone, Bertrand Lavier, ou Niele Toroni, ainsi qu’à l’art conceptuel et minimaliste comme à l’expressionnisme abstrait au travers de peintres de grande qualité américains tels Carl Andre, Sol LeWitt, Agnes Martin, Sean Cully, Mark Tobey ou encore Cy Twombly ou de belles incursions du côté du brut ou naïf (Louis Soutter , Andre Bauchant). Particulièrement intéressante est la série de portraits où se côtoient Chaïm Soutine, Antonin Artaud, Otto Dix mais aussi des œuvres peu vues ou inédites comme ce portrait énigmatique d’une jeune femme anonyme qu’Andrew Mansfield (né en 1953) a peint comme à son habitude à partir d’images puisées dans la presse ou sur internet .
Andrew Mansfield/photo Olivier Goulet
courtesy anthony Reynolds Gallery London.
Dans un autre style, les tableaux de Yan Pei-Ming né en 1960 sont ici inspirés des gigantesques portraits de Mao Zedong en cour dans sa Chine natale. En montrant que l’humour, l’ironie et la face ont aussi leur place dans l’art contemporain, cette collection nous permet de revoir des œuvres de Bertrand Lavier (né en 1949), ou du regretté Keith Haring (1958-1990) trop vite disparu qui à l’instar des maîtres du Pop Art tourne en dérision les symboles de la culture occidentale (Joconde, dollars, drapeau américain) dans une œuvre à la vitalité explosive. D’autres créations offrent au visiteur un dialogue entre les pères de l’art minimaliste et conceptuel américains tels Robert Mangold ou Sol LeWitt d’un côté et Jonathan Lasker ou Mark Bradford de l’autre. A l’arrivée, un parcours surprenant, toujours élégant, souvent ludique, jalonné d’installations originales comme la Tour Eiffel et les deux Titanics tournoyant autour d’elle de Chris Burden ou la chute d’un aéronef britannique, carcasse inattendue d’un dirigeable sinistré sous les yeux de l’auteur Christoph Draeger lorsqu’il avait 4 ans. Et une nouvelle fois, une exposition de qualité dans la lignée de celles auxquelles nous a désormais habituée la Fondation de l’Hermitage à Lausanne et dont le Commissariat est cette fois co-assuré par Sylvie Wuhrmann directrice de la Fondation de l’Hermitage et Didier Semin professeur à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, qui nous permet, faute de connaître le propriétaire des œuvres présentées, de mieux saisir son cheminement.
A.M. G.