La survie du Musée des Tissus de Lyon n’est plus qu’une question de jours. Cette affaire a été largement évoquée dans la presse et l’AJP s’était rendue sur place afin d’évaluer la situation. Une fois de plus et en se rapprochant peut-être de l’inéluctable fermeture, nous publions encore un appel de Daniel Fruman, collectionneur de tissus et grand défenseur du musée par le biais de sa pétition.
Un an après le lancement de la pétition nous sommes au même point mort qu’au début avec comme seule assurance que le destin du Musée des Tissus et des Arts Décoratifs de Lyon reste inconnu. Le silence de toutes les parties prenantes (État, ville, métropole, région et CCI) est assourdissant et quand l’une d’elles se fait entendre c’est pour nous faire savoir que le MTMAD est un mistigri* (https://www.youtube.com/watch?v=Ze1CQElHrGQ&app=desktop) dans le jeu que les parties prenantes se livrent. Un vrai poker menteur si l’on en croit les déclarations de la même partie qui assurait en janvier 2016 (Le Monde, 24-25/01) qu’il fallait « 15 à 20 millions [d’euros]… pour la scénographie [du musée des tissus] et 8 millions de travaux pour le Musée des arts décoratifs » sans en donner aucune justification !
Robe ; vers 1750 – Musée des Tissus de Lyon
Mais quel reproche peut-on faire à la scénographie** des expositions actuelles du MTMAD pour vouloir en faire une nouvelle, sûrement fastueuse, pour 15 à 20 M€ ? Et les 8 millions de travaux pour le seul musée des arts décoratifs sortent de quel projet ? Plutôt que d’un jeu de cartes j’ai l’impression, sans en être spécialiste, qu’il s’agit de dés pipés ! C’est vrai que la partie en cause est familière des gabegies budgétaires quand il s’agit des musées (http://www.capital.fr/a-la-une/actualites/les-chiffres-delirants-du-musee-des-confluences-de-lyon-747892).
Or, les responsables de ces déclarations semblent ignorer qu’une nouvelle scénographie du musée des tissus, totalement financée par le CCI, a été inaugurée en 2011 quand Madame Maria-Anne Privat-Savigny était directrice des musées. Les choix d’alors sont-ils si mauvais pour qu’il faille investir à nouveau 15 à 20 M€ quelques années plus tard ? Ce serait faire preuve d’une bien mauvaise gestion.
En outre, il existe « un schéma directeur de restauration et de mise en valeur du Musée des Tissus et des Arts Décoratifs (de Lyon) » datant de septembre 2010 avec un étalement en trois phases des travaux à exécuter en fonction des besoins et des urgences et un budget inférieur à celui que ces responsables nous annoncent. Pour quelle raison personne, même parmi les commanditaires du schéma directeur, n’en a jamais parlé ?
Que personne n’ait jamais relevé ces « inexactitudes » est quand même troublant. Faut-il comprendre qu’il a été décidé de laisser courir des fausses informations pour mieux justifier la fermeture éventuelle du MTMAD ? Et parlant de fermeture, quel serait le coût d’une telle opération d’une part et, d’autre part, quelles seraient les dépenses de fonctionnement, irréductibles et récurrentes, pour l’entretien des réserves, la conservation préventive, la gestion du prêts des œuvres (ce n’est pas parce que le musée serait fermé que les œuvres ne seront pas prêtées), la mise à la disposition des chercheurs des archives et des œuvres, etc.
Et quelle réponse apporter aux donateurs et aux descendants des donateurs des biens meubles et immeubles du MTMAD quand ils poseront la question du devenir des biens donnés par eux ou leurs ascendants à la Chambre de Commerce et d’Industrie pour être dans l’institution qui aujourd’hui porte le nom de Musée des Tissus et des Arts Décoratifs de Lyon.
En attendant de connaître le résultat de l’audit qui nous a été promis par les participants à la réunion du 4 novembre il serait utile, pour la plus complète information de tous ceux qui s’inquiètent du devenir du MTMAD, que les parties rectifient les inexactitudes mentionnées ci-dessous et répondent aux questions concernant le coût de la fermeture de l’institution d’une part et le respect des souhaits des donateurs d’autre part. Je leur propose, si elles le souhaitent, de publier un communiqué avec leurs réponses sur le site de la pétition.
J’ose espérer que nous n’aurons pas à commémorer le deuxième anniversaire de la pétition et que le « mistigri » trouvera une des « parties prenantes » prête à le conserver comme la CCI l’a fait depuis plus de 150 ans. Il reste inimaginable que le MTMAD soit pensé comme une charge et non comme l’atout majeur qu’il est, et dont Lyon, au jugement de l’Histoire, serait impardonnable de se priver et de priver les générations à venir.
Chères et chers signataires, je vous remercie de votre soutien pendant l’année qui vient de s’écouler et vous réitère mes fidèles et cordiales salutations,
Daniel H. Fruman
* Mistigri : mauvaise carte d’un jeu qui fait perdre celui qui la conserve en fin de partie.
** Vu l’obligation de rotation des œuvres textiles, la scénographie d’un musée des tissus ne peut être figée et doit être adaptable aux dimensions et à la tridimensionnalité des œuvres à chaque rotation.