MENACES IMMINENTES SUR L’HOTEL RICHELIEU A SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

Depuis un an, les associations nationales (SPPEF – Sites et monuments, VMF, Patrimoine-environnement), les associations locales et des riverains attachés au patrimoine se battent pour éviter que ne soit détruit un élément du patrimoine historique de la belle ville de St-Germain-en-Laye. Il s’agit de l’un des anciens sites de la Banque de France, qui se situe dans le secteur sauvegardé de la ville, en principe le degré le plus élevé de protection des ensembles urbains, et qui a fait l’objet d’une enquête publique à l’été dernier dans le cadre d’un projet de démolition et de remplacement par des constructions neuves de dimensions plus importantes.

Nous avons réuni une synthèse des informations collectées bénévolement par nos soins, lesquelles viennent d’être confirmées, et au-delà, par l’étude que le maire a bien voulu commander au cabinet Grahal. Il est désormais clair que le dossier d’enquête publique était lacunaire et inexact.

Alors qu’il était indiqué que les bâtiments n’avaient aucun intérêt historique ni patrimonial (pour autant le promoteur a détruit il y a quelques semaines illégalement les cheminées, trumeaux et escaliers … comme s’il craignait que ces éléments décoratifs n’empêchent l’autorisation de démolir… et ce sans que les autorités ne réagissent), et que le dossier indiquait que l’hôtel avait disparu à la Révolution, nos associations ont établi qu’une des ailes est du XVIIe s. et l’autre du XVIIIe.

Alors que le dossier affirmait qu’il ne pouvait s’agir que d’une « trace d’une dépendance de l’hôtel de Richelieu », Grahal confirme qu’il s’agit de l’hôtel lui-même. Grahal établit même que c’était, avant d’être l’hôtel de Richelieu, l’hôtel de Montmorency, l’une des familles les plus puissantes sous les Valois, donc l’un des édifices les plus anciens de St-Germain.

Alors que le dossier indiquait que l’hôtel antérieur avait peut-être appartenu au maréchal de Richelieu, sans autre précision, nous avons retrouvé dans plusieurs ouvrages que le Maréchal-duc a vécu dans ce bâtiment. Il est aussi intéressant de préciser que cette personnalité à la vie haute en couleurs (assignée à résidence à St-Germain par le Régent) a inspiré le personnage du vicomte de Valmont à Choderlos de Laclos.

Alors que le dossier indiquait que l’hôtel antérieur n’avait sans doute aucun lien avec le cardinal de Richelieu, Grahal a retrouvé l’acte d’achat de 1633 par … le Cardinal lui-même. Il est intéressant en outre de relever que celui-ci l’a acheté à la princesse de Condé, soeur du dernier duc de Montmorency, qu’il venait de faire décapiter après sa révolte du Languedoc, et qu’il a considéré la prise de cet hôtel comme un « trophée ».

Une analyse dendrochronologique permettant de dater les poutres de la charpente commune avec la maison voisine est venue confirmer l’âge de ces bâtiments. Vous la trouverez également en pièce jointe à ce message.

Au total, il s’agit d’un des immeubles les plus anciens de la ville, pour l’aile mi-XVIe, et des plus prestigieux. L’aile fin XVIIIe est quant à elle caractéristique de l’architecture du secteur sauvegardé. L’ensemble peut être aisément réhabilité, et il est choquant que le crépi ciment des années 50, ou encore le changement des fenêtres et des garde-corps aient pu être considérés comme justifiant de faire disparaître irrémédiablement des immeubles anciens en secteur sauvegardé, face à un bâtiment ISMH, ouverts au public jusqu’en 2005 (Banque de France) et très bien conservés depuis (sauf des dégradations intérieures volontaires du promoteur). On doit rappeler au demeurant que les transformations des années 50 puis 70 ont été apportées par l’Etat (Banque de France) et avec l’autorisation de l’ABF (Architecte des Bâtiments de France). Enfin, si la Banque de France a conservé à l’époque les murs tout en « modernisant » l’intérieur, il est certainement possible aujourd’hui de reconstruire totalement l’intérieur, en conservant les murs qui avaient déjà été à l’époque considérés comme dignes d’intérêt.

Au-delà même du sort d’un immeuble ancien, les conclusions du commissaire-enquêteur nous paraissent extrêmement critiquables : il n’a retenu aucune des observations, toutes défavorables (la seule mention favorable au registre étant celle d’une adjointe au maire qui évoque une revitalisation du centre ville…). Il justifie l’intérêt général du projet par la seule construction de logements… sans aucune mention du secteur sauvegardé ni la situation en face d’un bâtiment ISMH depuis 1937 (ancien couvent de St-Thomas construit par Louis XIV à la demande de Jacques II Stuart pour servir de lieu d’éducation des jeunes filles catholiques exilées de Grande-Bretagne et d’Irlande). Autrement dit, toute maison du secteur sauvegardé pourrait être achetée par un promoteur (SOFERIM a déjà contacté les propriétaires voisins) qui demanderait ensuite une modification à son profit des règles du secteur sauvegardé et la remplacer par un immeuble neuf plus haut. Ce projet a d’autant plus choqué à St-Germain que les habitants se heurtent souvent à un refus lorsqu’ils souhaitent être autorisés à une modification ponctuelle de leur habitation. Ici, un promoteur a acheté en 2011 une parcelle à un prix correspondant à une constructibilité supplémentaire très limitée (l’essentiel étant donc la réhabilitation de l’existant) et il serait autorisé à démolir entièrement les édifices anciens pour construire des immeubles beaucoup plus hauts que les immeubles mitoyens !

Le projet sera proposé en délibération au conseil municipal le 10 juillet prochain, avant d’être soumis à l’aval du préfet. La ville ne souhaitant pas une nouvelle mise à l’enquête, les échanges avec les associations n’ont jusqu’ici pas conduit à la rédaction d’un nouveau texte par la mairie. Le risque est grand que cet élément de patrimoine qui concerne une page de l’histoire de France soit définitivement détruit. Il nous paraît donc urgent que vos lecteurs en soient informés.

SUITE DE LA DECISION :

Pour information, la délibération du Conseil municipal du 10 juillet dernier a validé la modification du PSMV. Cette modification doit encore être examinée (à une date que j’ignore encore) par la Commission Nationale des Secteurs Sauvegardés, suite à quoi elle sera transmise au Préfet pour obtenir son accord et son officialisation.
Si le projet est accepté tel quel, le bâtiment datant du XVIe siècle sera détruit.

Pour toutes informations :

Urbain Virnot,
06 12 72 85 41
Secrétaire Général de l’Association des Amis du Quartier Lorraine
à St Germain en Laye

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