L’AJP s’est associée à l’Association des journalistes de la construction (AJC) le 21 mai pour la présentation de « La France des villages engloutis », une enquête signée par notre confrère Gérard Guérit, spécialiste de l’urbanisme, de l’architecture, des grands aménagements et de l’énergie.
La France des villages engloutis , Gérard Guérit
Editions Sutton (Tours), 2019, 25 euros

Réunis à la CAPEB à Paris, les membres des deux associations ont pu découvrir un passé quasi oublié, celui des villages noyés pour les besoins de la construction de barrages hydroélectriques et le traumatisme vécu par leurs populations.
« Des années 1910 aux années 1980, la France connaît d’énormes besoins en électricité, et elle devient un pays de barrages en construction, a rappelé notre confrère Gérard Guérit. Beaucoup de livres ont déjà été écrits sur le sujet, il s’agit surtout d’ouvrages d’histoire régionale, ou qui évoquent les prouesses techniques de ces barrages. En revanche, il n’y avait pas encore de livres sur le sujet au niveau national, ni sur l’histoire des villages. »
Villages sous la dynamite
Le film projeté en début de présentation nous a donné à voir le désarroi et la douleur de ces populations, qui virent leur quotidien et leurs racines s’effondrer sous les charges de dynamite, puis disparaître sous la montée des eaux.
A époque, les aménageurs – dans le cas présent, EDF – ne pratiquaient pas encore de démarches de concertation, et ne s’attardaient pas sur les impacts écologiques des projets. Les résistances qui se sont manifestées ici et là dans certains villages promis à la destruction n’ont guère tenu longtemps.
44 vallées habitées sous les eaux
Eguzon (Indre), Tignes (Savoie), Savines-le-Lac (Hautes-Alpes) LIEN AJP, Naussac (Lozère), L’Aigle (Cantal, Corrèze), Sainte-Croix (Alpes-de-Haute-Provence, Var)… Quarante-quatre vallées habitées ont ainsi été englouties, sacrifiées sur l’autel de la fée électricité. Abondamment illustré, l’ouvrage de notre confrère retrace l’histoire et l’impact de leur disparition et montre leur vie contemporaine.
L’auteur a choisi de ne traiter que les anciennes vallées habitées, ce qui explique que l’ouvrage n’évoque pas de sites dans certaines régions, comme les Pyrénées.

De l’agriculture au tourisme vert
Qu’en est-il aujourd’hui ? Il reste encore des témoins des constructions les plus récentes. « Certains ont la nostalgie des vallées perdues. Mais beaucoup reconnaissent que leurs villages ont connu un développement économique et touristique qu’ils n’auraient pas connu sans ces lacs », note notre confrère.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser les activités nautiques et touristiques qui fleurissent sur ces lacs, la reconversion des agriculteurs ne s’est pas faite spontanément.. » Beaucoup de gens ne savaient pas nager, et ne pouvaient donc pas envisager de devenir loueurs de bateaux sur un lac. De plus, les agriculteurs expropriés sont partis travailler ailleurs. Les hôtels, restaurants, campings etc., apparus lors du développement des activités touristiques, ont créés par des gens venus de l’extérieur, explique Gérard Guérit.
Mémoire reconstituée
Certaines collectivités s’attachent à collecter cette mémoire. « Des espaces muséographiques racontent l’histoire de ces vallées perdues », ajoute Gérard Guérit. Une activité qui se développe souvent avec le soutien d’EDF.
Par souci d’indépendance, Gérard Guérit n’a pas sollicité l’opérateur national pour la réalisation de son enquête. Venue à la présentation de l’ouvrage, Isabelle Paillard, cheffe du Pôle patrimoine d’EDF, a confirmé le travail de l’électricien auprès des collectivités, tant sur la reconstitution de leur mémoire que sur des questions de biodiversité des lacs, d’usages concertés de l’eau (électricité, irrigation, navigation, baignade), ou la revitalisation des villages par le tourisme industriel.
Pour sa part, Gérard Guérit espère qu’après avoir refermé son livre, les lecteurs ne verront plus « les lacs de barrage de la même façon. »