Compte-rendu du petit-déjeuner de presse du 5 juillet 2019
Nous étions 22 membres de l’AJP réunis autour de trois scientifiques ayant fondé l’association Les scientifiques au service de la Restauration de Notre-Dame. Ils nous ont expliqué leur travail et les buts de ce nouveau réseau, destiné, entre autres missions, à informer les médias.
Maxime L’Héritier , Maître de conférences en histoire médiévale, Université Paris 8, spécialiste de l’archéologie des techniques, étudie l’utilisation du fer dans l’architecture gothique. Trésorier de l’association.
Mylène Pardoen, docteur en musicologie, chercheuse au PI2A / MSH – LSE / CNRS / USR2005, spécialiste de l’archéologie du paysage sonore
Olivier de Chalûs, doctorant en histoire des techniques, université Paris I, LAMOP, travaille sur les interactions de la voûte gothique avec son environnement et sur la chronologie du chantier Notre-Dame. Ingénieur en BTP chez Arcadis détaché auprès de l’association, Porte-parole de l’association.
La genèse de cette association a été expliquée par Maxime L’Héritier, en qualité de cofondateur. Créée le sur-lendemain de la catastrophe, elle veut construire un réseau de mise en commun des connaissances sur et autour du monument. « Nous voulons mettre notre savoir au service de la restauration, mais aussi afin de diffuser de vraies informations auprès des médias et du public qui entendait alors tout et n’importe quoi ».
L’association compte aujourd’hui 230 membres et se joint à
la « task force » qu’avait imaginé de son côté le CNRS, avec les
mêmes buts, pour ses chercheurs.
Quelques chercheurs étrangers en font aussi partie. En revanche, les
scientifiques du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) qui
sont fonctionnaires et en contact direct avec les architectes, n’ont pas
rejoint l’association même si des rencontres sont prévues.
Les chercheurs se sont répartis en plusieurs groupes (voir le site). Maxime L’Héritier est, par exemple, responsable du « groupe Métal ». Il travaille avec des chimistes sur l’évaluation de la pollution au plomb.
Les liens entre chercheurs : Une des conséquences positives inattendues de la création de cette association est de dynamiser la transdiciplinarité. Parfois, sur les mêmes spécialités, des scientifiques qui ne se connaissaient pas se mettent à échanger grâce à ce réseau. Co-responsable du « groupe accoustique » de l’association, Mylène Pardoen précise : « dans mon travail, j’étais déjà transdisciplinaire car j’ai besoin des informations des archéologues, des historiens, etc. pour tenter de reconstituer une ambiance sonore du passé. »
Recueillir toutes les données pendant le chantier : « En matière d’informations sur le monument, il y plus à perdre dans les années qui viennent que ce que l’on a déjà perdu » alerte Maxime L’Héritier. Par exemple, heureusement, des archéologues (INRAP, DRAC, LRMH) ont été autorisés à travailler aux côtés de la police scientifique, sur les gravas. Afin qu’aucune information ne se perde. On peut aussi analyser le plomb pour savoir si, au XIIe siècle, on le recyclait.
De même, pour que l’orgue retrouve sa sonorité d’avant, Mylène Pardoen a besoin de faire des relevés acoustiques dans Notre-Dame tout au long du chantier. « Nous avions déjà des relevés acoustiques de 2013 et nous pourrons comparer. » Sinon, la restauration peut malmener ce patrimoine sonore.
En outre, elle voudrait documenter une base de données audio avec tous les sons de ceux qui travaillent et vont travailler sur le chantier : bruit des gestes d’artisans, sons rendus par la matière… Son travail a donc trois buts : conserver la mémoire du chantier actuel ; documenter ce que pouvaient être les sons du chantier originel de construction ; enfin, aider à la prise de décisions sur la restauration. « On pourrait imaginer faire des simulations de l’acoustique avec un toit en verre et montrer aux architectes comment cela sonne dans la nef » sourit-elle. Le CNRS a sanctuarisé un peu d’argent pour ce travail.
Sur la question de la future flèche, Olivier de Châlus explique que les chercheurs vont « documenter factuellement le dossier : donner des informations sur l’architecture de l’ancienne flèche, l’impact sur le monument, sur l’acoustique, etc. Idem pour la charpente, ajoute Maxime L’Héritier : « bien des questions se cachent derrière la première : « Jusqu’où restaurer à l’identique ? » : doit-on faire appel aux compagnons ? à des poutres usinées ? Taillées à la hache ou à la scie ? Y aurait-il un sens à la reconstruire en béton comme à Reims ? Nous pouvons documenter le contexte très particulier de la reconstruction de Reims qui est différent du nôtre. «
Le lien avec les décideurs : Le CNRS fait donc le lien administratif et scientifique entre tout le monde et cherche des financements pour des thèmes de recherches qui pourraient être importants dans un avenir proche, dans le cadre de la restauration. Le LRMH et la BNF peuvent aussi être des intermédiaires.
Pour l’instant, l’association est surtout intervenue à l’office parlementaire des sciences et techniques, au Sénat, pour sensibiliser les parlementaires. « Tant que l’établissement public Notre-Dame n’est pas constitué, on n’a pas d’interlocuteur. On a une certaine visibilité mais il est trop tôt pour influencer les décideurs » explique Olivier de Chalûs. L’établissement public ne sera semble-t-il pas opérationnel avant le printemps 2020. Pour l’instant, c’est encore la DRAC d’Ile-de-France qui est maître d’ouvrage et a autorité sur le l’ACMH (l’architecte, maître d’œuvre). Mais son travail sera sûrement segmenté, comme c’est le cas sur tous les gros chantiers.
Ouvrir l’association : « Nous souhaitons modifier nos statuts afin d’ouvrir nos rangs aussi aux artisans qui ont des savoir-faire anciens, comme à Guédelon : car il y a là aussi un enjeu d’archéologie expérimentale si l’on reprend des techniques médiévales. » explique enfin le scientifique.
Contact : scientifiquesnotredame@gmail.com ou 06 09 09 50 70 (Olivier de Chalûs).