Les notifications du Ministère de la Culture face une propriétaire désespérée de château

Minnie de Beauvau-Craon est princesse ; elle est propriétaire du château d’Haroué, splendide édifice (voir la vidéo prise par un drone). Comme tous les propriétaires de châteaux, elle doit faire face aux dépenses et a récemment souhaité se défaire de certains objets mobiliers mais quasiment à la veille de la vente aux enchères prévue, le Ministère de la Culture a fait interrompre cette dernière. Le classement, au titre des Monuments historiques, des meubles à vendre du château d’Haroué risque de porter atteinte à la pérennité même de l’édifice. Mais il existe des avis contradictoires.

Par un appel reçu jeudi soir, Minnie de Beauvau-Craon a été informée qu’un grand nombre d’objets majeurs devant être mis aux enchères chez Rémy Le Fur à Drouot le 15 juin, devraient d’être classés monuments historiques.

C’est à se demander comment une telle chose est possible. Jeudi, à 18h45, la princesse Minnie de Beauvau-Craon a reçu un coup de téléphone de Jean-Michel Loyer-Hascoet, sous-directeur des Monuments historiques, l’informant qu’un grand nombre de pièces figurant dans la vente des meubles de son château de Haroué, à Drouot le 15 juin, avaient été classés Monuments historiques et devaient donc être retirés des enchères. Or, ces objets phares du catalogue, possèdent tous un passeport de libre circulation permanent, qui leur a été délivré par le ministère de la Culture et de la Communication, dont dépend la sous-direction des Monuments historiques.

«C’est un scandale! Une spoliation!», dénonce, effondrée, Minnie de Beauvau-Craon, qui aurait pu vendre ses biens en Angleterre où elle vivait depuis 34 ans. Elle a choisi, «par patriotisme» souligne-t-elle, de les céder à l’hôtel des ventes parisien, bateau-phare des enchères en France, sous le marteau d’un «ami de 35 ans», le commissaire-priseur Rémy Le Fur. «Monsieur Loyer-Hascoet m’a dit que j’allais recevoir une notification de la ministre de la Culture, au nom de la loi de 1913 sur le patrimoine historique. Je vais la refuser. Il me reproche de vouloir vendre ces objets qui étaient dans notre château de Saint-Ouen, alors même que celui-ci a été vidé il y a 150 ans», se désole la propriétaire.

Il y a quelques jours encore, mardi, la princesse et le commissaire-priseur recevaient tout sourire les collectionneurs au cabinet d’expertise Turquin, pour le vernissage prévente de grands portraits de famille, torchères et autre garniture de cheminée du XVIIIe et de l’époque Empire, qui serviraient à supporter le coût de l’entretien du château de Haouré, les visites seules ne pouvant pas financer.
Ce «Versailles romain», comme on le surnomme, Minnie de Beauvau a choisi de l’ouvrir au grand public depuis longtemps. Elle y organise des expositions. Elle y accueille aussi le festival Opéra en plein air, qui doit y passer les 28 et 29 août. «Sans les visites, le château ne pourrait plus vivre», affirme la princesse. Mais sans la vente des 45 objets qu’elle a sélectionnés et qui sont estimés à 2,5 millions d’euros, l’avenir de ce patrimoine est plus qu’incertain.

* Note sur le château :

Le Château de Haroué est l’œuvre de l’architecte Germain Boffrand (1667-1754) pour le prince Marc de Beauvau-Craon, ami d’enfance du duc Léopold (1690-1729). Marc était également vice-roi de Toscane, prince du Saint-Empire, Grand d’Espagne et reconnu cousin du roi par Louis XV.
Le Château de Haroué fut érigé entre 1720 et 1732 sur les fondations du château de Bassompierre. De l’époque Bassompierre (seconde moitié du XVIe siècle et première moitié du XVIIe siècle) subsiste notamment les bâtiments de ferme parmi lesquels vous pourrez visiter les écuries et un pigeonnier. Boffrand marque le château de son originalité car ce dernier est le symbole du temps qui s’écoule car on y trouve 365 fenêtres, 52 cheminées, 12 tours et tourelles et 4 ponts.

Les démembrements de collections de mobilier : scandale permanent également

Malgré l’accumulation des exemples de démembrement (Dampierre, La Roche-Guyon, Breteuil…), aucun projet de loi ne fut discuté jusqu’en janvier 2011. A cette date, la sénatrice Françoise Férat profita d’une proposition de loi sur le patrimoine monumental de l’Etat pour y introduire un amendement relatif aux ensembles historiques. Il reprenait les préconisations de la mission Samson, en exigeant le consentement du propriétaire pour attacher une œuvre à perpétuelle demeure (ce qui dispense de l’indemniser). Il permettait, en revanche, de rendre indissociable, après indemnisation, un ensemble purement mobilier contre la volonté de son propriétaire. Pas plus que les autres, ce texte n’a pu aboutir. Il y avait, semble-t-il, d’autres urgences et la proposition de loi, transmise à l’assemblée nationale en novembre 2011 pour une deuxième lecture, en resta là.
Il est plus que temps que l’on harmonise tout cela ; il y a le feu !

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