Dans la vallée de Kazanlak, au fin fond de la Bulgarie, on a longtemps cru que les buttes qui parsèment le paysage étaient d’origine naturelle. Jusqu’à ce qu’une découverte accidentelle en 1944 révèle un splendide tombeau thrace, témoignage d’un civilisation qui reste méconnue, faute de moyens. La dernière exposition du Louvre consacré aux Thraces vient de se terminer mais a pu montrer la richesse de ce patrimoine.
Surnommée désormais la Vallée des rois thraces, cette région de Bulgarie abrite pas moins de 1.500 tumuli d’où sont issues certaines des plus belles pièces que l’on a pu voir à Paris. Mais c’est une civilisation sans trace écrite
Cette civilisation raffinée, à la confluence des influences perses et macédoniennes, entendait rivaliser avec Rome et Athènes dans le domaine des arts et atteignait son apogée entre le Ve et le IIIe siècle av. J.-C. Mais les Thraces, dont les principaux métiers étaient l’élevage, les mines et l’orfèvrerie, n’avaient pas d’alphabet et n’ont donc laissé pas de témoignage écrit. Et les tombeaux – dont beaucoup ont été pillés, notamment des objets en or – constituent l’unique et fragile témoignage de leur civilisation, qui s’étendait sur une grande partie des Balkans.
Bâtis d’énormes blocs de granit recouverts de terre, ces mausolées enterrés sont composés d’une ou plusieurs chambres reliées par un couloir, et regorgent parfois de trésors inouïs comme celle de Seuthès III (320-280 av.JC), enterré avec notamment sa couronne d’or. Le tumulus voisin d’Ostroucha se distingue par sa chambre en forme de sarcophage taillé dans un bloc de granite pesant 60 tonnes. Au plafond sont représentés des hommes, des animaux, des plantes et des figures géométriques.
Le tombeau de Kazanlak, classé patrimoine de l’Unesco
Le tombeau de Kazanlak, le premier découvert en 1944, jouit d’une notoriété internationale par son appartenance au patrimoine mondial de l’Humanité de l’Unesco. Les visiteurs n’ont accès qu’à une copie, l’original étant fermé au public afin de préserver les peintures murales, représentant toute une procession funéraire et une course équestre. Croyant à l’immortalité de l’âme, comme beaucoup d’autres civilisations, les Thraces enterraient leurs dignitaires avec leurs chevaux et chiens, leurs armes, leurs bijoux et leurs coupes à boire.
Tous les mausolées étaient recouverts de terre une fois construits, car « les rois étaient considérés comme les fils de la Déesse Mère assimilée à la Terre et les rites funéraires avaient une signification symbolique ».
Un patrimoine archéologique fragile et inexploité sur le plan touristique
Ce patrimoine exceptionnel, et la manne touristique qu’il pourrait potentiellement représenter pour la Bulgarie, pays le plus pauvre de l’Union européenne, reste toutefois mal exploité, faute de moyens. « Sur les quelque 1.500 tumuli de la vallée, seuls 300 ont été excavés, dont 35 qui ont révélé des témoignages de rites funéraires somptueux ».
Des fonds européens ont largement contribué au maintien et à l’ouverture aux touristes de plusieurs tombes comme celles de Choumenets et d’Ostroucha. Mais en l’absence d’infrastructures touristiques et de transports appropriées, les visiteurs restent rares. Par ailleurs, la plupart des tombeaux demeurent inaccessibles en raison d’un manque de fonds pour les fouilles, la restauration et la conservation.
Reste que les musées bulgares comptent déjà « dix fois plus de vestiges de la culture thrace » que ceux présentés à Paris.
Aujourd’hui encore, trésors somptueux et mobiliers funéraires souvent complets sont exhumés des sols bulgares et des rivages des mers Noire, de Marmara ou d’Egée.
Espérons que la toute récente exposition de Paris donnera des idées de visite.