L’AJP en visite à l’AFP !

Véronique Hamel, membre du Conseil d’administration de l’Association des Journalistes du Patrimoine, a organisé le 12 septembre dernier, une visite à l’Agence France-Presse, à l’occasion de l’ouverture de sa première galerie de photographies.

En avant-première, nos membres ont découvert l’exposition de photographies intitulée « Paris 1944, une semaine en août » qui a obtenu le label national « 80e anniversaire de la Libération ».

Compte rendu de cette belle matinée, par Véronique Hamel

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Au commencement, l’AFP (Agence Française de Presse, fondée en août 1944) naît à la fin du conflit de la Seconde Guerre mondiale, en pleine Libération de Paris, alors sous le joug nazi. Sa 1ère dépêche, datée du 20 août 1944, s’adresse à tous les journaux de la France Libre.

80 ans plus tard, une porte s’ouvre sur la première exposition temporaire de l‘Agence France-PresseIci, des photographies prises par des reporters dialoguent avec celles des amateurs collectées par deux érudits passionnés, Alain Eymard et Laurent Fournier. Les deux spécialistes de la 2e division blindée du général Leclerc et de la Libération de Paris commencent leur collection de documents photographiques à la fin des années 1990.

L’AJP est conduite devant une photographie en noir et blanc prise par l’AFP, là où quelques membres de l’AJP viennent juste d’y prendre un petit café… saisissante coÏncidence !

« Actuellement, nous nous parlons d’ici » commente Christophe Calais, co-commissaire de l’exposition, montrant le cliché pris place de la Bourse à Paris 2e ; le panache de fumée correspond aux véhicules  de la Kommendantur qui brûlent rue du Quatre-Septembre, place de l’Opéra et, dans la foulée, à l’arrestation des soldats allemands. Dès 1944, les photographes travaillent avec des plaques de verres alors que les négatifs existent déjà (Leica, Rolleiflex) poursuit-il. Ils shootent le matin, sortent une image puis la portent à « Presse Libération », l’organe de contrôle mis en place par la Libération pour valider les photos distribuées à la presse libre ».

Il montre notamment la Une de « Combat »  » datée du vendredi 25 août 1944, titrant « LES TROUPES FRANÇAISES entrent dans la capitale libérée » avec une photo AFP des francs-tireurs et un encadré rédigé par le nouveau préfet de la Seine, installé officiellement à l’Hôtel de Ville par le Comité de Libération. Marcel Flouret y lance sa proclamation :

« (…) Parisiens, je veux, dès à présent, vous dire que je suis fier de la foi et de l’élan avec lesquels vous avez pris les armes pour chasser l’envahisseur. Sans même attendre l’arrivée des armées alliées, vous avez mené le combat.

Aux côtés des admirables Forces Française de l’Intérieur, vos groupes organisés répondaient à l’appel du Comité National de la Résistance et du Comité Parisien de Libération et ont spécialement jailli dans chaque quartier, dans chaque rue, dans chaque maison.

Aujourd’hui, réduit à la défensive, l’ennemi bat en retraite. Vous êtes, vous-mêmes, les libérateurs de la capitale.

Parisiens ! Les troupes françaises vont faire, aux côtés de nos vaillants alliés, leur entrée triomphale dans la capitale de la France. Ce sera la suprême récompense du combat que vous menez depuis quatre ans. Vive le général de Gaulle ! Vive Paris ! Vive la République ! Vive la France ! »

Les lecteurs pouvaient aussi lire que « le président du Gouvernement Provisoire de la République Française devait faire son entrée dans Paris. Les gens de la division du général Leclerc, forte de trente mille hommes défilent à travers la capitale. Le bruit s’était déjà répandu que le général de Gaulle devait assister le soir même à une messe à Notre-Dame des Victoires. Une grande foule s’était massée devant l’église. Des Marseillaises vibrantes éclataient par instant. Mais le curé était sorti pour annoncer que le général ne serait à Paris que le lendemain, la foule se dispersa. »

L’envoyé spécial de « Combat » DE FONTENAY-AUX-ROSES A PARIS  avec une colonne Leclerc décrit « Les offrandes » : « Couverts par la population de drapeaux et de fleurs, les soldats français embrassent femmes et enfants et reçoivent avec émotion les pauvres offrandes, verres de vin et pommes, qu’une population privée de tout parvient cependant à leur offrir. »

Naissance de la liberté de la presse

D’autres journaux voient le jour : « Le Parisien libéré », « Libération », « L’Humanité », « Défense de la France » qui deviendra « France-soir », « Le Figaro » sort sans photo bien que la libération de la ville soit aussi une libération photographique. Ceux qui avaient des appareils et de la pellicule descendent dans les rues et prennent des images et des risques. Le 16 septembre 1940, les Allemands avaient interdit la prise de vues en extérieur ou depuis un balcon.

« A la Libération, les Parisiens sont tellement exacerbés par les quatre années d’Occupation que les soldats allemands sont mitraillés, les officiers sont débottés et faits prisonniers » souligne Alain Eymard. Après le défilé du général de Gaulle sur les Champs-Elysées, une fusillade a lieu pendant la célébration de la messe à la cathédrale Notre-Dame de Paris. » Trois images sont exposées : deux images amateurs et une image AFP qui raconte l’événement rappelant le concept de l’exposition à savoir un dialogue de la couverture d’un même événement par un amateur et par un professionnel.

« Dans le même style, et encore plus violente, voici l’arrestation d’une femme accusée de collaboration et sur le front de laquelle une croix gammée est gravée. L’image de l’AFP est cadrée, lisible et la photographie de la même personne par un amateur ne montre pas de mise au point ou de cadrage. Les deux photos suscitent une émotion incroyable 80 ans plus tard. » commente Christophe Calais.

D’un album photo réalisé par un Parisien sur la libération de sa ville au plan de 1944 montrant la cinquantaine de lieux principaux couverts par les photographes de l’AFP (*) s’écrit, entre les lignes 1 à 14 du métropolitain, la semaine héroïque du 19 au 26 août 1944 pour « … que vos petits enfants retrouvent un jour dans votre bibliothèque… » ce témoignage durable de la Libération préfacé par Georges Duhamel de l’Académie française.

De la place de la Concorde avec des éléments du 12e régiment de chasseurs d’Afrique rassemblés le 26 août pour rendre les honneurs au général de Gaulle jusqu’à sa descente de l’avenue des Champs-Elysées entouré notamment d’André Le Trocquer, Georges Bidault, Alexandre Parodi, Marcel Flouret, le général Leclerc, le général Juin, Jean Marin, une voix de la France Libre à Londres qui deviendra le premier président de l’Agence France-Presse. Ainsi s’écrit la Libération de Paris...

« Nous sommes ici, à la place de Georges Clémenceau (1841-1929), surnommé « le Tigre ». La Marseillaise y est chantée. Tout le monde salue. Voici les premiers soldats entrés dans Paris, poursuit Alain Fournier désignant une photo prise par l’AFP. Lui, c’est le capitaine Drône qui commandait précisément ces Espagnols qui sont entrés parmi les premiers le 24 août au soir : la fameuse « Nueve ». Il y a très peu de femmes. Bizarrement sur la photo, vous n’avez pas le préfet de Police… »

Chaque millième de seconde est observé à la loupe, traquant chaque détail qui s’y cache : enseignes, bâtiments, noms de rue… Des informations croisées avec un botin de 1941, chiné chez un bouquiniste répertoriant les commerces et les professions du département de la Seine. Ils identifient les lieux, les jours et même les heures.

Aujourd’hui, l’AFP est présente dans plus de 150 pays avec 1 700 journalistes. La doyenne des agences mondiales d’information, héritière de l’agence Havas, emploie plus de 450 photographes à travers le monde. Son fonds d’archives photographiques compte près de 20 millions de documents, dont 6 millions de documents argentiques (notamment 350 000 plaques de verre) remontant pour les plus anciens aux premières années de la photographie qui célèbre son bi-centenaire.

La Galerie AFP présentera des expositions gratuites trois fois par an, avec pour ambition d’offrir au public des évènements de qualité muséale avec des regards d’auteurs et de grandes signatures de l’AFP, souvent récompensés par des prix internationaux…

Véronique Hamel

Informations pratiques :

Exposition AFP

« Paris 1944, une semaine en août »

Jusqu’au  2 novembre 2024

Galerie AFP

9, place de la Bourse

75002 Paris (France)

ouvert du mercredi au samedi de 11h à 18h

Visites guidées les mercredis et vendredis à 14h30

(*) Lieux principaux couverts par les photographes de l’AFP :

Avenue des Champs-Elysées/Rue de Tilsitt – Place de l’Etoile/Avenue Kléber – Champs-Elysées – Place de la Concorde – Pont Alexandre III/Grand Palais – Rue des Pyramides/Rue Saint-Honoré – Comédie Française – Invalides – Mairie du 7ème – Samaritaine – Rue Dauphine/Pont Neuf – Rue de Seine/Rue de Buci – Quai des Grands Augustins – Place Saint-Michel – vers 70 boulevard Montparnasse – vers 106, avenue Leclerc (ex-avenue d’Orléans) – Saint-Jacques/Saint-Germain – Gobelins / Saint-Marcel / Port-Royal – Quai de Montebello/Square Roger Viviani – Parvis de Notre-Dame – Rue des Bernardins/Pont de l’Archevêché – Quai des Célestins/Pont de Sully – 141 rue du Faubourg Saint-Antoine – 25 rue de Reuilly – Eglise Saint-Paul, Saint-Louis – 1 rue de Rivoli – Hôtel de Ville – Avenue Victoria – Rue du Renard/Rue de la Verrerie – 39 rue Saint-Denis – Belleville/Ménilmontant – début rue Montmartre – Rue du Faubourg du Temple – Banque de France – Rue Léopold Bellan/Rue Montmartre – Gare Ménilmontant/Petite Ceinture – Boulevard de Strasbourg –  Mairie du 10ème – 91 boulevard de Bonne Nouvelle / 2, boulevard Poissonnière – 140 rue Montmartre – Place  de la Bourse – Rue du Faubourg Montmartre/Rue de la Grange Batelière – Rue du Faubourg Montmartre – 28 rue des Poissonniers – Rue Rodier/Rue de la Tour d’Auvergne – Rue du Faubourg Montmartre – Notre-Dame de Lorette/Rue des Martyrs – Rue Guy Mocquet (ex rue Bologny)/avenue de Saint-Ouen – Rue d’Anjou/Rue de la Pépinière – 58, rue de Miromesnil.

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