C’est un petit groupe de l’Association des Journalistes du Patrimoine qui débarque en gare du Mans le 5 mars. Invités par la ville du Mans et par le comité des Journées Mans’Art, nous sommes conviés à venir passer la journée au sein du patrimoine du Mans. Mais, au fait, quel patrimoine ? La ville du Mans possèderait-elle un patrimoine suffisant pour faire déplacer aussi bien des journalistes que le grand public en général ? La réponse est apportée au cours de cette journée.
Si l’on pense tout de suite, à l’évocation de la ville du Mans, à l’événement mondialement connu des 24 heures automobile ou, pour les gastronomes, aux rillettes, on est loin, très loin du compte ! Le Mans est bel et bien une ville de grand patrimoine et de grande histoire, incontestablement.
Marchons en ville avec les responsables du patrimoine de la ville qui nous ont reçu, Franck Miot en particulier qui sait tout de sa ville. Après le rendez-vous à la Maison du Pilier Rouge (plus ancienne maison civile de la vieille ville –XIIè et XIIIè s), siège du service animation du patrimoine et tourisme urbain où nous faisons un tour d’horizon historique de la ville (établissement des populations, développement au cours des siècles, les mutuelles, les 24 heures, les industries…), et nous voilà partis vers la cathédrale Saint-Julien, juste au bout de la petite rue de la Reine Bérengère.
Nous ne rentrerons pas dans la cathédrale tout de suite. Franck Miot tient à nous emmener plus loin dans un premier temps, à la découverte d’un patrimoine que même les Manceaux connaissent mal, voire pas du tout : l’abbaye royale Saint-Vincent qui ne date pas d’hier. Fondée vers 572 pour protéger l’entrée nord de la ville, elle conserve peu de choses de l’époque médiévale mais le choc visuel vient après le passage du porche. On tombe sur un immense monument, les anciens bâtiments conventuels de la grande abbaye reconstruite par les mauristes entre 1680 et 1758. Aujourd’hui, l’intérieur de l’établissement, devenu lycée, n’est pas accessible au public mais parfois ouvert, en particulier lors des Journées du Patrimoine.
Mais que l’extérieur est beau et vaut certainement d’y aller. Qui étaient donc les mauristes ? La congrégation de Saint-Maur, fondée par quelques bénédictins, respectaient strictement les règles de la vie bénédictine mais cela ne les empêchaient pas d’être des bâtisseurs hors pair, notamment au Mans avec cette abbaye Saint-Vincent.
Retour 300 mètres en arrière vers la cathédrale Saint-Julien. Elle est romane, elle est gothique et elle présente des merveilles. Par bien des aspects, elle est unique en France C’est ici que le pape Urbain II exhorte les seigneurs manceaux à la croisade ; c’est ici aussi que Geoffroy Plantagenêt, comte du Maine et d’Anjou épouse Mathilde, petite-fille de Guillaume le Conquérant. Selon les historiens, les Plantagenêt avaient probablement le projet de faire de Saint-Julien leur monument, tout comme Saint-Denis l’était pour les rois de France. Bien sûr, impossible ici de faire une description, même rapide, des particularités de cette cathédrale mais il nous faut absolument signaler les aspects majeurs.
Un portail royal que nous décrira en détail Fabrice Masson, historien d’art et qui connaît bien la cathédrale. Portail royal qui a relativement peu souffert au cours des siècles. Les chapiteaux ensuite, extrêmement originaux dans leur ornementation ; vingt chapiteaux du XIème siècle qui témoignent, au Mans, d’une véritable « école de sculpteurs ».
Puis, les vitraux. Là, nous sommes en arrêt devant ces vitraux de la cathédrale du Mans que l’on imagine pas. On parle souvent de Chartres, de Bourges mais ici, au Mans, nous avons devant les yeux les seuls vitraux formant une collection qui couvre toute l’évolution de l’histoire de cet art et de sa technique. L’ensemble des verrières romanes, le plus riche de l’Occident médiéval, a été regroupé au 19ème siècle dans les baies basses de la nef. Au milieu de ces chefs-d’œuvre, le vitrail de l’Ascension, très représentatif de l’école de l’Ouest. Quant aux vitraux du XIIè s, fait rare, ils sont restés pour la plupart à leur place originelle.
Et c’est aussi pendant la Guerre de Cent Ans que des vitraux ont été construits. La grande rose du XVème du transept est une splendeur. A Saint-Julien aussi, se trouvent « les Anges musiciens », une fresque sur la voûte d’une chapelle. Une peinture d’exception figurant 47 anges musiciens, un pur joyau de style gothique, peut-être l’œuvre de Jean de Bruges et qui faillit bien disparaître sous un badigeon. Redécouverte en 1842, c’est Mérimée qui la sauve et elle a été restaurée totalement en 1995.
Quoi encore à Saint-Julien ?
Le Grand orgue par exemple, construit de 1528 à 1535 ; maintenant, 65 jeux et près de 5000 tuyaux ! Encore un chef-d’œuvre tout à fait particulier. Les statues en terre cuite aussi font partie des joyaux de la cathédrale, une Sainte Cécile notamment, signée Hoyau. Des oeuvres de Germain Pilon aussi.
Bien, nous direz-vous ; Le Mans possède une fort belle cathédrale. C’est tout ? Que non !
Tout le vieux Mans, la Cité Plantagenêt proprement dite, regorge d’un patrimoine remarquable : le Secrétariat de l’ancien évêché, le Grabatoire ou Palais des gouverneurs du Maine de style Renaissance, la Maison de Scarron… En descendant des petits escaliers, on chemine vers le bas de la ville, vers la Sarthe et là, autre surprise pour celui qui n’est jamais venu au Mans : la muraille romaine. « Bourges, Lyon, Le Mans et Limoges furent jadis les quatre villes rouges ». C’est l’historien André Duchesne qui, déjà en 1637, disait cela. L’enceinte romaine du Mans dresse toujours sa monumentalité plus de treize siècles après sa construction. Classée monument historique en 1862, elle a été dégagée et rendue bien visible au cours de la seconde moitié du 19è siècle. Construite dans un but défensif, elle n’en a pas moins bénéficié d’une vraie décoration. Des lits de briques alternant avec des blocs de pierres décorées. Motifs géométriques jouant sur les différences de couleur, losanges, triangles, cercles, obliques… Rôle militaire, certes mais aussi ostentatoire, fruit d’une politique concertée de l’Etat romain au moment de sa renaissance vers la fin du IIIè siècle. Remarquable souvenir de cette époque et excellent état de conservation.
Alors, non, le Mans n’est pas « que » la ville de l’automobile avec son circuit des 24 heures et ses pionniers de l’automobile comme Amédée Bollée père et fils, non le Mans n’est pas la ville des rillettes (d’autant plus que les rillettes sont plutôt de Connéré), non le Mans n’est pas que la ville où se sont installées mutuelles et assurances. Oui, le Mans est une ville de très grand et très beau patrimoine, aussi bien médiéval que contemporain. Il suffit d’ouvrir les yeux et partout vous serez surpris. L’AJP n’a pas tout vu, loin s’en faut ; nous conseillons plutôt un long week-end au minimum et vous verrez ce que le Mans peut vous offrir. En étant journaliste, prenez contact avec le service animation du patrimoine situé dans la belle Maison du Pilier Rouge et sur www.lemanstourisme.com
G.Levet