LA COUTELLERIE : UN PATRIMOINE MAIS DES CONTREFACONS

Depuis que la coutellerie s’est implantée à Thiers, vraisemblablement au XIVème siècle, la spécialisation de la ville et de son bassin pour cette activité ne s’est jamais démentie. Même si d’autres industries, telles que la papeterie ou la tannerie ont en leur temps participé à l’essor de cette cité, la coutellerie a toujours été dominante. Chaque quartier, chaque village, chaque portion de rivière porte les traces de cette histoire industrielle interrompue. Bien sûr, les processus de fabrication ont évolué, les lieux de travail se sont déplacés et l’organisation du travail s’est modernisée. Certaines transformations du paysage industriel sont anciennes, et des activités aujourd’hui éteintes nous ont légué de discrets vestiges. Ce début de XXIème siècle est marqué par des évolutions techniques notables qui touchent aussi bien la coutellerie que les activités nées de l’évolution des savoir-faire traditionnels, telles que la forge ou la plasturgie.

Depuis ses origines et jusqu’à un passé récent, la coutellerie se caractérise par une parcellisation poussée de la fabrication, chaque étape étant confiée à un corps de métier spécialisé. Ces différentes professions ont connu des évolutions diverses, touchés plus ou moins tôt par la mécanisation. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, la quasi-totalité des opérations s’effectue avec des outils à main, dans des ateliers à domicile. La réorganisation de la coutellerie à laquelle on assiste à la fin du XIXème siècle ne sonne pas le glas du travail à domicile, bien au contraire. Les évolutions techniques et mécaniques permettent une intensification de la production que les usines de la Durolle seules ne peuvent accueillir et nombre d’opérations sont encore effectuées manuellement, dans la ville haute et les villages. C’est le cas notamment du montage, de la trempe des lames ou bien encore des diverses opérations de finition. L’électrification, qui intervient progressivement dans la 1ère moitié du XXème siècle, permet aux couteliers de s’affranchir de la Durolle, et offre à l’ensemble des professions de véritables perspectives de mécanisation.

Dans le domaine de la coutellerie industrielle, les techniques de fabrication actuelles connaissent une réelle modernisation. Les anciennes machines sont remplacées par des modèles récents et automatisés et des robots sont mis au point pour reproduire les gestes humains des opérations de finition. Grâce à cette mutation technologique, le bassin industriel de Thiers peut se prévaloir d’être aujourd’hui le principal fabricant français de coutellerie et outils tranchants, avec près de 70 % de la production nationale.

ET EN CE QUI CONCERNE LE « LAGUIOLE

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…L’ancêtre du Laguiole : une petite lame toute simple emmanchée d’un bout de bois naïf.

Un couteau issu de la nuit des temps, les forgerons de Laguiole l’appelaient le « CAPUCHADOU »…
Les origines « Quand venait la saison mauvaise, les travailleurs de chez nous partaient louer leurs bras en Catalogne. De retour au Pays, ils tiraient de leur poche la fine Navaja d’Espagne objet de convoitise et d’inspiration. »

1829 premiers couteaux pliants laguioles

M. Casimir-Antoine Moulin est le premier coutelier forgeron à s’installer à Laguiole (Aveyron) (il s’installera en tant que coutelier en non plus en tant que taillandier).

M. Glaize installe sa coutellerie et sa forge rue du Valat à Laguiole.
Le premier couteau fermant a être produit à Laguiole, dès ces premières années, sera le LAGUIOLE DROIT, un couteau à mouche sans décor, avec un ressort à cran forcé. Le manche, en os ou en ivoire, se termine recourbé en «bec de corbin» (forme du bec d’un oiseau). La lame est de forme bourbonnaise à pointe centrée. Le modèle « Laguiole droit » sera fabriqué sur Laguiole jusqu’en 1900.

1840 Le Laguiole droit doté d’un poinçon

Au fil des ans, Pierre-Jean Calmels perfectionne son art et ne tarde pas à imposer son couteau pliant, en y ajoutant dès 1840, un poinçon pour répondre aux besoins des bergers et des éleveurs.

1850 – 1860, la forme actuelle du couteau de Laguiole apparaît et s’affine progressivement. La lame devient de forme yatagan, le manche épouse une courbe élégante.

Depuis les années 1820 tous les couteliers de Laguiole ont forgé les lames et les ressorts de leurs couteaux « à la main». L’acier feuilleté venait des Pyrénées et du Tarn.
Autrefois, la forge était installée dans l’arrière boutique. Les lames étaient amenées au tranchant à l’aide d’une petite meule entraînée par un chien. Les lames étaient trempées (pour leur donner la dureté) dans l’eau froide et volcanique de «La Violette» (source locale).Les couteaux étaient montés à la lumière du jour en devanture de l’atelier. Chaque atelier de coutellerie avait un effectif variant entre 3 à 7 personnes, dans des locaux très exigus. Tous les couteaux fabriqués à Laguiole étaient à cette époque des couteaux de type plein manche en corne d’Aubrac ou en os, matières abondantes dans cette terre d’élevage, ou en ivoire pour les couteaux plus précieux.

1880 le Laguiole devient sommelier

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En 1880, les premiers couteaux de Laguiole 3 pièces (avec poinçon et tire-bouchon) sont présentés à la clientèle. En 1880, le Laguiole s’enrichit d’une troisième pièce : le tire-bouchon. Son apparition demeure liée à la vente du vin en bouteilles dans la société urbaine, mais également à la demande des Aveyronnais partis à la conquête des cafés parisiens. Patrons et garçons de café restèrent fidèles à leurs traditions et éprouvaient de la fierté à sortir le couteau trois pièces de la poche de leur gilet.

1900 Le couteau de Laguiole s’embourgeoise

Les premiers décors ornent alors les ressorts. La mouche du couteau de Laguiole sera dotée d’une fleur. Le dos du ressort sera décoré par des motifs triangulaires épais alternés. Les couteaux de Laguiole seront entièrement façonnés et décorés à la lime.

En 1900, la fabrication de couteaux est à son plus haut niveau et emploie 30 personnes à Laguiole.
La même année, à l’Exposition Universelle de Paris les couteliers Pagès et Calmels recevront une Médaille d’Or. En l’espace d’une dizaine d’années les couteliers de Laguiole seront honorés d’une vingtaine de médailles pour la qualité de leurs couteaux.

En 1909 apparaissent les premiers décors avec une abeille à la place du motif floral. Les manches en ivoire sont sculptés en forme de pied de cheval, queue de crotale, bélier, papillon, trèfle… La Belle Epoque et l’Art Nouveau verront fleurir de nombreux couteaux avec des manches en ivoire sculptés avec des têtes de personnages (Napoléon, Jeanne d’Arc, Vénus). Certains modèles auront un décor gravé de feuillages dont la ciselure était extrêmement fine.

Le premier conflit mondial (1914-1918) entraînera la disparition de l’effectif ouvrier à Laguiole. A partir de la fin de la guerre, une partie des couteaux de Laguiole sera produite à Thiers.
Dès les années 1960, la clientèle paysanne du couteau de Laguiole est en diminution, la production artisanale de beaux couteaux est infinitésimale et au tout début des années 80, il ne se fabrique pratiquement plus un couteau à Laguiole.

1987 Retour des laguioles en Aubrac

En 1985, une équipe d’élus du plateau de l’Aubrac et de passionnés favorise le retour de la fabrication du couteau de Laguiole dans son berceau : c’est la naissance de la FORGE DE LAGUIOLE qui concrétise ce rêve en 1987.

ATTENTION AUX CONTREFAÇONS – C’EST DE PIRE EN PIRE

Il est important aujourd’hui de savoir faire la différence entre le vrai couteau Laguiole et les nombreuses contrefaçons qui existent. Plusieurs signes permettent de reconnaitre la véritable origine Laguiole mais ils ne sont pas faciles à déceler.

Il faut savoir tout d’abord regarder la lame d’un couteau. Quand la fabrication est artisanale, il est assez rare d’y trouver des dents, ce qui peut être un premier indice. La lame est d’une excellente qualité, souvent en acier ou en inox. Les signes les plus reconnaissables sur la lame restent une indication chiffrée, en bas de celle-ci, supposée être indicatrice de sa qualité, ainsi que l’estampille Laguiole sur le milieu de la lame. L’absence de telles inscriptions peut laisser planer un vrai doute quand à l’authenticité du couteau.

L’abeille est le principal mais non le seul symbôle de Laguiole, mais elle est bien souvent présente sur les contrefaçons. La véritable abeille ou mouche doit être forgée avec le ressort en une seule pièce.

Enfin, le manche est le plus facile à trafiquer. Pour que le couteau soit authentique, il faut que son manche soit en corne, os, ivoire ou en bois régional. La qualité des matériaux doit donc être vérifiée tout comme la provenance du couteau.

Si la provenance n’est pas indiquée, ou à l’étranger, vous n’avez probablement pas entre vos mains un véritable couteau Laguiole. Le meilleur moyen d’en vérifier l’authenticité est encore de se rendre directement à la Forge de Laguiole où des experts sauront faire la différence.

Grâce à ces indices, vous pourrez vous préserver des inombrables contrefaçons qui existent. Il faut dire que Laguiole n’est pas une marque déposée mais une origine et une tradition de savoir-faire qui produit des objets de grande qualité dont le prix en est le reflet. Il est alors très facile pour des sociétés mal intentionnées de produire de faux couteaux à bas coûts à l’étranger pour les vendre à des prix très inférieurs mais les produits sont de qualité moindre voire médiocre. Ce type de contrefaçon est très présent et fait souffrir le marché des couteaux Laguiole non seulement car le véritable couteau Laguiole subit une concurrence déloyale mais aussi parce que ces contrefaçons de piètres qualités ternissent l’image de ce couteau de légende.

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