2024 marque le 30e anniversaire de l’Association des Journalistes de l’Environnement mais c’est aussi le 22e anniversaire de l’Association des Journalistes du Patrimoine. Véronique Hamel, membre des bureaux des deux associations, donne quelques pistes pour relier et comprendre leurs interactions…
Au commencement, Michel Schulman fonde l’Association des Journalistes du Patrimoine en 2002 qu’il préside jusqu’en 2016. Son but : fédérer des journalistes dans leur propre rédaction, traitant des sujets très différents, à leur manière et avec leur propre sensibilité. Le journaliste à Radio France Internationale veux d’abord créer « une certaine cohésion pour ses confrères préoccupés personnellement et professionnellement par le patrimoine en les mettant en relation afin de devenir une puissance culturelle et intellectuelle face aux associations, aux ministères, au Gouvernement…»
Du patrimoine à l’environnement
A partir de 2016, Sophie Laurant, qui lui succède à la présidence, constate un changement dans le monde du patrimoine et notamment sa démocratisation. Pour elle, le sujet « intéresse désormais l’ensemble de la nation. La prise de conscience de son intérêt touristique, les classements Unesco, les sites en péril, le lancement du loto du patrimoine et la personnalité de Stéphane Bern suscitent un intérêt de l’ensemble de la population qui n’existait pas il y a vingt ans. Ainsi, « les journalistes dans leurs médias respectifs ont été plus sollicités car le patrimoine sortait de l’ombre ; ils ont voulu produire plus d’articles ».
L’AJP a alors accompagné ce mouvement en se positionnant comme « un réseau de contacts et d’échanges d’informations avec des professionnels, des associations du secteur » et en « proposant des centres de sessions d’information, voire de formation continue, autour de certains sujets ». C’est ainsi que l’AJP « essaie de les accompagner sans perdre de vue que le patrimoine est aussi naturel : tous les sujets inhérents à l’environnement peuvent être traités par ses membres ». Elle prend l’exemple du Mont Saint-Michel, « le monument qui représente le mieux la restauration de notre patrimoine et la préservation de la biodiversité en France au cours des trente dernières années : la remise en eau de la baie a été une action en faveur du patrimoine naturel et du paysage mais évidemment cela a induit des envies de valorisation des édifices ». Un autre exemple est celui de la Citadelle de Marseille. Ce site militaire fait l’objet de travaux de restauration et d’aménagement des jardins : des expérimentations stimulantes en termes d’approche environnementale y sont menées avec, entre autres, des chantiers « propres » (gravats triés et réutilisés) et la reprise de techniques d’étanchéité et d’isolation ancestrales.
L’AJP organise plus d’une trentaine d’activités et de voyages de presse par an. Tous les sujets traités touchent de près ou de loin à l’environnement. Un voyage à Deauville a permis, par exemple, de découvrir un ancien couvent acheté et restauré par la ville devenu un centre culturel, appelé « Les Franciscaines » avec notamment une relique et un vitrail de Saint François d’Assise (Italie), fervent défenseur de la nature en son temps. Plusieurs ouvrages retraçant sa vie et traitant d’écologie tout en sensibilisant à la protection de l’environnement peuvent y être consultés. Le Pape François a entamé son pontificat et a choisi son nom en mémoire de Saint-François d’Assise stigmatisé, patron des animaux, des cultivateurs de l’écologie, des louveteaux et des restaurateurs du patrimoine, mais aussi déclaré « patron céleste des écologistes » par le Pape Jean-Paul II en novembre 1979. Le Pape François a depuis affirmé la nécessité de « sauvegarder notre maison commune et d’oeuvrer pour le respect de la créature et de l’environnement » dans sa lettre encyclique « Laudato Si’ » de mai 2015.
L’AJP en bref
L’Association des Journalistes du Patrimoine regroupe une centaine de journalistes de la presse écrite, audiovisuelle et numérique, une cinquantaine de membres associés et autant d’organismes qui représentent les artisans d’art, les associations de protection du patrimoine ou les propriétaires de monuments. Pour préserver son indépendance, l’association se finance par les contributions de ses membres. Elle ne perçoit aucune aide ou subvention de l’État. Chaque automne, elle est présente au Salon International du Patrimoine Culturel, au Carrousel du Louvre à Paris 1er, où elle organise son Assemblée générale suivi d’un débat avec un invité de renom. L’AJP n’est pas une organisation de défense du patrimoine mais elle compte dans le paysage patrimonial.
Le vin, un patrimoine à protéger
François Collombet, journaliste pour dico-du-vin.com et dico-du-patrimoine.com, membre de l’AJE et de l’AJP, indique que les pratiques écologiques débordent de plus en plus amplement les grands domaines. Selon lui, les vignerons sont toujours plus conscients que leur vignoble est un patrimoine qu’il faut protéger afin de le transmettre en bon état « naturel » à leurs enfants. L’agriculture biologique voire biodynamique est donc aujourd’hui pour beaucoup un objectif à atteindre dans les années qui viennent et ce, malgré les difficultés rencontrées. Chacun essaie de limiter le plus possible l’utilisation des produits chimiques de synthèse (ce qui est d’autant plus difficile en cette année 2024 qui est très humide, face aux dégâts causés par le mildiou). Beaucoup utilisent la biodiversité pour nourrir leurs vignes. Certains, comme Cheval Blanc à Saint-Emilion, pratiquent l’agroforesterie. En plus de détenir la certification ISO 14 001 et le label Engagé RSE (2 étoiles), plusieurs exploitations viticoles se sont déclarées « société à mission » pour concilier l’intérêt commun des différents acteurs du domaine. Commence aussi à émerger une classe de vignerons engagée en faveur du commerce équitable certifié Ecocert Fair For Life. « Un très grand espoir pour l’avenir de la filière ! », souligne François Colombet.
D’une manière plus globale, quand on l’interroge sur ce qu’elle suggère pour améliorer la restauration de notre patrimoine et de son environnement, Bettina de Cosnac, journaliste à Monumentum-Nostrum.com et free-lance en Allemagne et en Suisse souligne qu’il ne faut surtout pas « les voir l’un sans l’autre : ils sont liés et se conditionnent mutuellement. Un beau château, un moulin, une ferme peuvent être gâchés par la venue proche d’une banlieue industrielle ou happés par l’extension d’une ville et perdre ainsi, en perdant leur environnement d’origine, leur sens et leur beauté ». Pour elle, « tout est question d’équilibre, de fonction, du pourquoi et pour quelles raison un objet de patrimoine a été créé ».