La tombe des reliefs couverte de stucs
À Cerveteri, cité médiévale retranchée sur son plateau, on oublie la métropole romaine qui ronge pourtant le territoire à quelques kilomètres de là. La ville est connue pour sa nécropole, berceau de l’archéologie moderne au début du XIXe siècle, classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco depuis 2004. De ces taupinières géantes, vastes tumuli à calottes rondes, inquiétants comme les ovnis de La Guerre des mondes, on voit la mer Tyrrhénienne. Il n’est pas difficile d’imaginer sur cet horizon des navires à voile carrée jetant leur ancre de pierre avant de débarquer leurs marchandises. Les vases peints du musée local, comme ceux de la dizaine d’institutions étrusques, en Toscane, dans le Latium ou en Campanie, ou encore ceux de la riche villa Julia à Rome, en sont couverts.
«Certains objets d’art sont signés et les amphores portent des marques. Leur étude systématique est aujourd’hui tellement précise qu’elle permet de dire quel a été le premier bateau ayant inoculé l’esthétique grecque à la péninsule, et par-delà bien sûr à toute l’Europe de l’Ouest», assure Laurent Haumesser, conservateur en chef au Louvre et commissaire pour la partie française de l’exposition sur Cerveteri au Louvre-Lens.
Au Musée de Cerveteri, la directrice Rita Cosentino avance même que «la céramique mycénienne est déjà présente ici au XIVe siècle av. J.-C., preuve de la grande ancienneté des échanges».
En compagnie de Vincenzo Bellelli qui mène les fouilles, Laurent Haussemer s’enfonce dans les couloirs creusés dans le tuf pour tenter de mieux comprendre où pouvaient se trouver à l’origine les trésors conservés dans son département. «Rapprocher les œuvres du terrain est un des axes de la recherche actuelle, dit-il. Une très grande partie n’a pas de pedigree. C’est le cas par exemple de notre Joconde, le sarcophage des Époux que nous venons de restaurer. Il a été trouvé à Cerveteri en 1845, mais on ignore dans quelle tombe.» Or, des tombes, il y en a des milliers dans cette seule nécropole dite de la Banditaccia. Et seules 3500 ont été fouillées.
Certaines, parmi les plus belles et les moins fragiles, sont visitées chaque année par 70.000 touristes. Ce sont des copies de demeures palatines disparues. Sous leur coupole de remblais allant jusqu’à 60 mètres de diamètre, en général orientés vers l’ouest et la mer, des antichambres mènent vers des salons entourés de chambres à trônes, à litières, à niches ornementales, à fausses fenêtres… Les plafonds simulent des poutres. Pour aider à deviner ce à quoi ces lieux pouvaient ressembler au moment des funérailles, un son et lumière anime quelques espaces. Apparaissent alors les dieux, les grands vases, les meubles en bois, les coffres de terre cuite ou les bronzes qui font depuis leur découverte la gloire des musées internationaux. «Les Grecs ne mettaient pas leurs richesses dans leurs tombes, les Étrusques si. La différence est très nette», déclare avec une pointe de fierté Vincenzo Bellelli. La plus belle illusion n’est toutefois pas accessible au public.
Datant du IVe siècle avant notre ère, due au génie d’un artiste syrien, la tombe des Reliefs est couverte d’étonnants trompe-l’œil en stucs polychromes. Armes, coussins, objets du quotidien: ici se déploie encore le faste des banquets éternels auxquels aspirait l’aristocratie locale. «Cet espace est emblématique de l’époque hellénistique, précise Vincenzo Bellelli. Rome est alors déjà en train de tout conquérir. Ici nous avons l’affirmation d’une identité culturelle forte. Mais bientôt les Étrusques s’assimileront à la superpuissance voisine.» Ils perdront leur écriture, vers le Ier siècle av. J.-C. C’est un des autres mystères encore pendants. «On a déchiffré l’alphabet mais beaucoup de vocabulaire et, plus encore, la grammaire restent incompréhensibles», résume Paula Santoro, directrice du Centre national de recherche sur la Méditerranée antique.
Ville moderne
La traduction des inscriptions contribuera sûrement un jour à raviver l’image de cette «Pompéi étrusque», aussi rayonnante jadis sur la Méditerranée qu’Athènes ou Carthage, avec ses 80.000 âmes du temps de son apogée. De même, l’étude de la voirie, du port et des structures subsistantes sous la ville moderne établira la puissance réelle de la cité-État de Cerveteri. Une détection laser aérienne, combinée aux fouilles en milieu urbain entreprises depuis trente-cinq ans, a abouti cette année à la publication d’une carte d’une précision inégalée.
La suite de l’histoire pour les chercheurs?
Le réaménagement des espaces étrusques et romains au Louvre d’ici trois à quatre ans. «On privilégiera les cultures italiques et leur diversité, avec des surfaces et un nombre d’œuvres doublés», annonce Jean-Luc Martinez, le président du musée.
À plus court terme, à partir du 29 novembre 2014, le Louvre présentera au Grand Palais une exposition sur Auguste, le premier empereur romain dont une tête colossale trouvée à Cerveteri conclut le parcours au Louvre-Lens.
Source : Le Figaro.fr Eric Bietry_Rivierre
Musée Maillol 61, rue de Grenelle (Paris VIIe) jusqu’au 9 février 2014. Catalogue Gallimard, 287 p., 39 €,
Louvre-Lens 99, rue Paul-Bert (62300 Lens) jusqu’au 10 mars 2014. Catalogue Somogy, 350 p., 39 €.
À lire aussi: «L’Art étrusque, 100 chefs-d’œuvre du Musée du Louvre», Somogy 223 p., 25 €, et le dossier du numéro 10 du «Figaro histoire», 6,90 €.