A la faveur d’une fouille préventive sur un des deux sites de maintenance de la ligne 15 du futur métro Grand Paris Express, dans le quartier des Ardoines à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), les archéologues ont mis au jour, fin 2015, l’humérus d’un mammouth laineux qui n’avait pas terminé sa croissance. Francis Gouge nous raconte.
Le laboratoire a confié l’unique reste de ce jeune Mammuthus primigenius au Centre de datation par le radiocarbone du CNRS,à Villeurbanne (Rhône). Le verdict est tombé cet été : « Il a environ 13 050 ans », précise Djillali Hadjouis, archéologue au Laboratoire départemental d’archéologie du Val-de-Marne.
Apparue en Sibérie orientale il y a quelque 800 000 ans, cette espèce n’est entrée en Europe occidentale qu’il y a 200000ans. Elle aurait disparu d’Europe il y a de cela 13 000ans, de Sibérie il y a 6 000 ans. Le jeune proboscidien serait donc un des tout
derniers à avoir vécu dans nos contrées.
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Trois découvertes
Son humérus, long de 80 cm et large d’une vingtaine, porte de nombreuses traces de découpes bouchères. Les chercheurs font deux hypothèses : soit l’animal a été abattu par des hommes modernes et les éléments consommables ont été transportés sur le site des Ardoines, soit les chasseurs se sont contentés de le « charogner » là où il était mort. Ainsi que le note Djillali Hadjouis, « il y a de fortes chances qu’ils se contentaient essentiellement de charognage, une pratique déjà largement utilisée par les prénéandertaliens».
Cette découverte a été précédée, dans ce même département limitrophe de Paris, par celles de deux autres fossiles qui lui donnent un éclairage tout particulier.
En 1994, lors d’une fouille de sauvetage sur un chantier de travaux publics, sur la ZAC d’Alfort,en bordure de la Marne, le Laboratoire d’archéologie du Val-de-Marne
découvrait un gisement du paléolithique moyen. Il devait livrer des éléments d’industrie lithique à débitage Levallois mêlés à des restes de grands mammifères (chevaux, aurochs…) et surtout ceux d’un mammouth datant d’environ 200 000 ans, ce qui en fait « probablement le plus ancien d’Europe
La troisième découverte, qui remonte à 1923, a eu lieu lors des
travaux du pont de Bonneuil. Le crâne alors mis au jour donne d’utiles informations liées à la récupération des défenses sur un animal mort. En effet, les bords inférieurs des deux alvéoles présentent des berges découpées attestant de leur enlèvement
intentionnel. « Il est, pour l’instant, impossible de savoir si cette pratique est contemporaine de sa mort ». Ce troisième spécimen est intermédiaire, daté de
? 45 000 ans, à une époque où l’homme moderne colonise l’Europe, évinçant Néandertal.
Ces trois découvertes font (actuellement) de la banlieue sud-est de Paris la Sibérie de l’Europe occidentale, avec le plus ancien et le plus jeune mammouth laineux à y avoir été découverts. La poussée de l’urbanisme francilien, qui concerne notamment les axes fluviaux, permet d’envisager de nouvelles trouvailles.
Francis Gouge