A Nice, un rare retable est exposé. La dynastie des Bréa à l’honneur.

Un retable rare peint en 1516 par le niçois Antonio Brea vient d’être prêté au musée des Beaux-Arts de Nice par une église de la Ligurie voisine. Une première. A voir jusqu’en septembre prochain.

Ce très beau polyptyque restauré dédié à Saint Michel témoigne une fois encore du talent prolifique de la fratrie des Bréa, peintres niçois de l’Art sacré des 15ème et de la première moitié du 16ème siècle. Une œuvre qui rappelle à bon escient que cette région a connu en 1450 un véritable siècle d’or de la peinture sacrée et donné vie au mouvement des « Primitifs niçois ».
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Et de fait, de Nice à Gênes, c’est un véritable musée à ciel ouvert de l’Art sacré qui se découvre de chapelles en églises où les Bréa et quelques dizaines de peintres contemporains ont laissé leur empreinte sous forme de retables colorés dédiés pour la plupart à la passion du Christ ou à la vie d’un Saint. Ces œuvres réalisées dans les bourgs accrochés aux vallées des collines niçoises ou dans les villages perchés de Ligurie italienne, sont présentes tout au long de « l’Itinéraire des Retables et des chapelles peintes« qui démarre dans les collines niçoises de la Tinée et de la Vésubie (La Tour, Clans,Venanson,Saint Dalmas de Valdeblore), passe en HauteTinée puis aux Entraunes à la lisière de la Provence pour aboutir à la frontière Ligure.

Roya,Tende ou La Brigue abritent quelques-unes des plus belles œuvres réalisées dans le comté au 15è et 16ème siècles comme le célèbre retable de Louis Brea « l’Adoration de l’enfant ». Elles parlent des femmes et des hommes qui ont vécu sur ces terres, de leurs peurs, des épidémies et des guerres, de la peste, de la famine, de leurs luttes ; autant de thèmes sublimés par les paroisses, les confréries et les notables commanditaires de ces chapelles protectrices et de leurs chefs-d’œuvre. Situées sur les routes du sel qui sillonnaient le pays niçois, reliant la mer aux terres de Savoie et de Piémont, elles offraient un abri aux bergers, pèlerins, marchands et à leurs caravanes chargées de sel, bois, laine, huile et vin. Délaissées dès le 18ème siècle avec l’abandon progressif des vieux chemins, elles ont été parfois fermées et souvent réduites à des usages ruraux.

Le travail de mémoire du Cercle Brea

Redécouvertes depuis un siècle, elles ont été répertoriées et restaurées et permettent aujourd’hui de reconstituer l’histoire d’une région. Grâce à un travail inlassable Le Cercle Bréa, par exemple, a permis en 15 ans de faire mieux connaître les édifices et les œuvres picturales des 15 et 16ème siècles restés longtemps dans l’ombre. Ainsi en 2011 avec le soutien financier de mécènes et du Conseil Général des Alpes-Maritimes, cette association a lancé une campagne de recensement, de numérisation et de sécurisation des oeuvres de la Famille Bréa en Alpes-Maritimes et des Primitifs niçois, travaillé à la promotion de ce patrimoine exceptionnel en créant des supports comme celui consacré à la « La route des Bréa » en collaboration avec la Région Ligure. Citons aussi le très beau guide sur « Les Routes du Sacré« , à la découverte du patrimoine religieux des Alpes-Maritimes » réalisé en collaboration avec l’Association développement touristique Roya-Bévéra.
Depuis 2001 le cercle tente de sensibiliser écoliers et collégiens des zones d’éducation prioritaire de la ville de Nice à l’art sacré des Alpes Maritimes de ces époques anciennes dans le cadre du contrat Urbain de cohésion sociale. Un travail de mémoire dont l’objectif n’est pas seulement de protéger un patrimoine précieux comme le dit très bien en substance l’historienne Germaine-Pierre Leclerc dans son livre magnifique consacré aux Retables des Primitifs niçois, ou de témoigner de la haute qualité artistique de chefs-d’œuvre méconnus mais aussi de montrer leur exceptionnel intérêt pour la connaissance du monde. Et in fine leur donner enfin la place qui leur revient dans la peinture de leur temps ».

Anne-Marie Granier

A lire « Retables des Primitifs Niçois » /éditions Amd ou « Chapelles peintes du pays niçois » par Germaine-Pierre Leclerc/éditions Sud

« Peintres primitifs niçois » par Paul Roque /éditions Serre

La Route des Bréa/www.serre-editeur.fr

www.musee-beaux-arts-nice.org

Note *
Antoine Bréa, frère de Louis ou Ludovic Bréa. Il est mort en 1527
Antoine Bréa a souvent travaillé avec Antoine Ronzen. Il se peut qu’il ait été apprenti chez Antoine Ronzen ou qu’il se soit perfectionné auprès de lui. Les peintures portant sa signature sont :

en 1504, un panneau de Saint-Antoine, à Gênes,
en 1516, un retable de Saint-Michel à Diano Borello, hameau de Diano Arentino,
en 1517, un retable de Saint-Jean-Baptiste, à Bonson (Alpes-Maritimes),
en 1518, un retable de Notre-Dame-de-Consolation à Diano Borganzo, hameau de Diano San Pietro.

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