Restauration Chapelle des Saints-Anges de Delacroix à Saint Sulpice

Delacroix a peint un grand nombre d’œuvres à caractère religieux tout au long de sa vie, alors qu’il n’a jamais fait mystère de son athéisme. Et c’est à lui que l’Etat passe commande, en 1849, pour la réalisation des peintures murales de la Chapelle des Saints-Anges dans l’église Saint-Sulpice. Il a 51 ans.

Eugène Delacroix 26 avril 1798 à Charenton-Saint-Maurice (Val de Marne) – 13 août 1863 à Paris
Après des études aux Beaux-Arts de Paris, le jeune Delacroix se forme à l’aquarelle lors d’un voyage en Angleterre (1825), y découvrant aussi le théâtre de Shakespeare : toute sa vie, la littérature et le théâtre resteront une source d’inspiration très importante.
En 1827-1828, Delacroix expose plusieurs œuvres au Salon officiel, dont La Mort de Sardanapale (musée du Louvre).
En 1832, Delacroix accompagne une mission diplomatique en Afrique du Nord, grâce à ce voyage, il fut l’un des premiers artistes à aller peindre l’Orient d’après nature.
Le 31 août 1833, Thiers, ministre des Travaux Publics de l’époque, lui confie sa première grande décoration, la « peinture sur muraille » du Salon du Roi ou Salle du Trône, au Palais Bourbon. En 1838, il se voit confier le décor de la bibliothèque de l’Assemblée nationale, toujours au Palais Bourbon. Cette commande s’achève en fin d’année 1847. Durant cette période, il réalise également les décors muraux de la salle de lecture de la bibliothèque du Sénat au Palais du Luxembourg à Paris, entre 1840 et 1846.

Les peintures murales de la Chapelle des Saints-Anges dans l’église Saint-Sulpice
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C’est à lui que l’Etat passe commande, en 1849, pour la réalisation des peintures murales de la Chapelle des Saints-Anges dans l’église Saint-Sulpice. Il a 51 ans.
Il commence les esquisses dans les mois qui suivent. Des engagements en parallèle pour le Louvre et la Galerie d’Apollon (1850-1851) ou le Salon de la Paix à l’Hôtel de Ville de Paris (1852-1854) font prendre du retard au chantier. En 1857, ce sont des problèmes de santé qui éloignent Delacroix de ce travail. C’est finalement à l’été 1861 que les décors muraux de la chapelle sont inaugurés.

Le décor de la chapelle, qui se compose de trois œuvres, demeure une oeuvre majeure et une référence toujours vivante pour de nombreux artistes, écrivains, metteurs en scène. Née du pinceau d’un grand maître athée, sa portée spirituelle dépasse son sens religieux.

La Lutte de Jacob avec l’Ange

Le sujet de la Lutte de Jacob avec l’ange, suffisamment mystérieux pour que chacun y projette son interprétation, est ainsi décrit dans l’invitation envoyée par Delacroix : « Jacob accompagne les troupeaux et autres présents à l’aide desquels il espère fléchir la colère de son frère Esaü. Un étranger se présente qui arrête ses pas et engage avec lui une lutte opiniâtre, laquelle ne se termine qu’au moment où Jacob, touché au nerf de la cuisse par son adversaire, se trouve réduit à l’impuissance. Cette lutte est regardée, par les livres saints, comme un emblème des épreuves que Dieu envoie quelquefois à ses élus. » A l’aube, Jacob finira par l’emporter, vainqueur mais blessé, et demandera à l’ange de le bénir.

Héliodore chassé du Temple

En face, le peintre a choisi le sujet d’Héliodore chassé du temple. La scène se déroule dans le temple de Jérusalem. Le roi de Syrie, faussement informé que le trésor du temple de Jérusalem contenait de grandes richesses, envoie son ministre Héliodore pour les confisquer. Malgré les explications du prêtre sur la provenance des modestes dépôts de veuves et d’orphelins, Héliodore persiste, mais quand il arrive au temple avec son garde, tous sont terrifiés par l’apparition d’un cheval caparaçonné d’or, monté par un cavalier qui surgit armé et se jette sur Héliodore. L’œuvre est flamboyante et fourmille de détails.

Saint-Michel terrassant le Démon (L’Archange Saint Michel terrassant le dragon) :

Le combat de l’archange saint Michel contre le Dragon, figure allégorique du mal, est évoqué dans l’Apocalypse de Saint Jean. À l’issue de la lutte de l’archange contre les anges rebelles, le Dragon est terrassé et précipité sur la Terre
Pour le plafond, Delacroix retient le format ovale comme dans la Chapelle de la Vierge, derrière la nef, pour son tableau qui sera une huile sur toile marouflée, à la différence des deux autres.

Le chantier actuel

Afin de rendre son œuvre pérenne et de l’isoler de l’humidité du mur, Delacroix a imprégné la paroi de nombreuses couches de cire, de résine et d’huile : on trouve parfois jusqu’à 13 couches au même endroit. L’œuvre a été régulièrement restaurée, à la suite d’écaillages fréquents des peintures : dès 1895, puis en 1934, 1943 et 1946, sans que les écaillages ne cessent. Des analyses en laboratoires sont effectuées en 1976, suivies de travaux de refixage de la peinture. Mais la résine synthétique alors utilisée altère la matière originale.

L’objectif de la restauration est de restituer une lisibilité aux décors peints en les nettoyant, et de stabiliser leur conservation dans l’environnement, en agissant sur les causes et la climatologie de la chapelle.

L’intervention sur les peintures murales

L’intervention s’articule autour de deux phases.
La première est une phase d’étude (jusqu’au 15 janvier 2016). La seconde correspond à la restauration proprement dite, dont le protocole est déterminé grâce aux résultats de cette étude. Elle s’achèvera à l’automne 2016.

La grande difficulté dans la restauration d’une peinture murale est de comprendre et prendre en compte les innombrables facteurs qui ont pu participer à sa dégradation : fragilité de l’édifice, porosité du matériau de construction, défauts de toiture, analyse des flux d’air et d’humidité au sein du bâtiment…
L’étude est donc une phase très importante car il s’agit de relever le plus précisément possible, selon des principes topographiques, l’ensemble des dommages qu’a subis la peinture et d’en déterminer la grande variété de natures (soulèvements, infiltrations, fissures…). Il s’agit aussi d’identifier les zones ayant subi des retouches au fil du temps (consolidations, repeints…).
Lors de cette phase, de nombreux spécialistes peuvent être sollicités pour poser un diagnostic, par exemple des climatologues ou des architectes spécialisés.
Le travail d’analyse des relevés associé à la prise en compte des diagnostics de causes des dommages permet d’établir pour les restaurateurs une sorte de « prescription » de restauration et de techniques à employer.

A l’issue de ce long travail d’observation, de recueil, d’enquêtes et de recherches, les restaurateurs présentent leur rapport au comité scientifique, constitué de spécialistes du peinture, et le soumettent au contrôle scientifique et technique de la DRAC.

Le maître d’ouvrage des travaux est la Ville de Paris (Direction des Affaires Culturelles/Conservation des œuvres d’art civiles et religieuses). L’œuvre étant classée au titre des monuments historiques, la restauration se fait sous le contrôle scientifique et technique du conservateur des monuments historiques de l’Etat. Outre la constitution d’un Comité scientifique, un partenariat scientifique a été mis en place avec le musée Eugène Delacroix, dépendant du musée du Louvre.

Maître d’ouvrage : Ville de Paris/COARC
Restauration : Alina Moskalik-Detalle (peintures murales) et Anne Pinto (vitrail)
Maître d’œuvre : COARC, assistée d’un comité scientifique et d’un comité de suivi
Contrôle scientifique et technique : DRAC Ile de France

Les acteurs de la restauration
Ville de Paris
DRAC IDF – Fondation du patrimoine

Musée Delacroix (soutien scientifique)

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