A Saint-Sernin (Toulouse), on n’a que trop différé la réalisation du musée

Qu’est-ce qu’un musée de l’œuvre ?

C’est un musée dédié à un grand monument religieux, dont il présente l’histoire et l’architecture à travers des documents d’archives, des maquettes, des photographies, des objets. Il permet de montrer au public, dans de bonnes conditions, des œuvres rares et fragiles, qui restent sans cela totalement méconnues. C’est aussi un lieu d’accueil des très nombreux visiteurs d’un chef-d’œuvre comme Saint-Sernin. Malheureusement, à Saint-Sernin on a que trop différé une réalisation.

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Ce musée s’impose aujourd’hui à Toulouse et représente un enjeu de première importance pour la ville et la vaste région de sept millions d’habitants dont elle va devenir la capitale. Son projet doit enfin entrer dans une phase de réalisation, car une riche collection, actuellement en souffrance, permet un discours muséographique extraordinaire et attractif. Ce musée favorisera et organisera la visite de la basilique Saint-Sernin et du site archéologique sur lequel elle s’élève. Le bon achèvement de la restauration de la basilique, comme la fouille et la mise en valeur des vestiges archéologiques sont indissociables de ce futur musée et s’inscrivent dans un même plan d’ensemble.

Tout savoir sur le projet mais aussi sur ce qui n’a pas été fait en comparaison avec de nombreuses autres villes :

http://www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/varia/saint-sernin/cadre-st-sernin.htm

Déjà en 2013, voici ce que Daniel CAZES déclarait (extrait de Actu côté Toulouse)

Daniel Cazes, ancien conservateur du musée Saint-Raymond, est un défenseur acharné du patrimoine archéologique toulousain, de sa conservation et de sa valorisation.

Il évoquait ici les catastrophes archéologiques qui ont marqué les 50 dernières années à Toulouse mais aussi des modèles à suivre en Europe et des progrès enregistrés.

Toulouse est-elle une bonne élève en matière de conservation et valorisation de son patrimoine historique bâti?

Nous sommes très en retard et il suffit pour s’en rendre compte de regarder tout ce qu’on a détruit à Toulouse depuis le milieu du XXe siècle. En 1971, encore étudiant, j’ai assisté à la destruction de la porte antique de Toulouse dans le cadre de la réalisation du parking souterrain du Capitole. C’était un monument romain haut de quatre mètres qui était encore debout et qui aurait pu être préservé dans le parking sans pour autant altérer l’intérêt de ce parking. C’est un exemple marquant au même titre que l’absence de fouilles lors de la destruction des halles des Carmes alors que l’on savait que sous l’ouvrage se trouvait l’ancien couvent des Carmes. Et que dire de la destruction du Palais des Wisigoths en 1988. On avait trouvé ses vestiges dans un parc de l’hôpital Larrey. Le terrain était parfait pour réaliser des fouilles puis valoriser les vestiges au sein d’un espace vert qui aurait été destiné au grand public. On a préféré tout raser pour y construire un ensemble de logements. C’est ce que j’appelle une occasion manquée… Le désastre le plus récent a été la destruction d’un mausolée datant du Ve siècle sous la future école d’économie”

Y-a-t-il eu dernièrement d’autres catastrophes archéologique de ce type?

Le désastre le plus récent a été la destruction d’un mausolée datant du Ve siècle et qui a été découvert dans le sol sur lequel va s’établir la future école d’économie de Toulouse (TSE) près de Saint-Pierre. C’était un très grand mausolée antique, un site archéologique de dimension nationale et la mémoire la plus extraordinaire de la ville puisque à l’époque des Wisigoths, Toulouse était tout simplement la capitale d’un royaume, ce que les gens ne savent pas forcément. Cela aurait été valorisant de parler de cette histoire et de la mettre en avant au sein du nouveau bâtiment. Au lieu de ça, tout a été détruit…

Au delà de cet exemple, trouvez-vous que Toulouse valorise mieux son patrimoine historique depuis quelques temps?

Il y a du mieux notamment depuis la création du service archéologie de Toulouse dirigé par Pierre Pisani. Cette création, que nous étions nombreux à demander, va faire date car ce service reprend peu à peu en compte le patrimoine archéologique conservé dans notre ville. C’est un service qui existait depuis des dizaines d’années dans des villes comme Arles, Nîmes, Milan et Barcelone pour ne citer qu’elles.

Le service archéologie de Toulouse fait un travail admirable mais fouiller ne suffit pas” Ce service est-il LA solution?

Il fait un boulot admirable mais à mon avis fouiller ne suffit pas. Quand on trouve des vestiges, il faut les mettre en valeur et que le public puisse les voir. Et pas qu’un jour comme cela avait été fait place Saint-Pierre avec les ateliers de tannerie. À ce titre, Toulouse est l’une des seules grandes villes européennes à ne pas encore instaurer systématiquement ce type d’opération à l’attention du public. A ce titre, elle est isolée et ce sont les élus qui sont responsables de cet isolement.

Y-a-t-il un modèle à suivre?

La démarche de Saragosse est intéressante. Aujourd’hui, cette ville du nord du l’Espagne dispose de 7 ou 8 sites fouillés, préservés, aménagés, rachetés par la puissance publique et ouverts au public. Lors de la réalisation d’un parking souterrain, les travaux ont mis à jour le Forum Romain qui a pu être mis en valeur dans le cadre du projet. Toujours à Saragosse, la ville a racheté tout un ensemble d’immeubles pour les démolir et mettre à jour le théâtre romain qui était situé dessous l’îlot. Là-bas, ils ont compris la plus-value patrimoniale que représente ce genre d’opération pour les habitants mais aussi pour l’économie locale grâce au tourisme. La plupart des villes espagnoles ont intégré ce paramètre et nous, à Toulouse, nous avons 25 ans de retard.

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