A l’Assemblée générale des biens français du patrimoine mondial, les responsables des hauts lieux du patrimoine labellisé se sont interrogés sur la gestion qui découle de cette prestigieuse distinction. Geneviève Dupoux-Verneuil, membre du conseil d’administration, y représentait l’Association des Journalistes du Patrimoine.
Elle nous résume les débats.
« Le label patrimoine mondial décerné par l’Unesco, tout le monde en rêve. Mais une fois le label acquis, encore faut-il en assurer la gestion ! » .
C’est en ces termes qu’Yves Dauge, président de l’association des biens français du patrimoine mondial, a introduit l’assemblée générale de cette association qui s’est tenue du 4 au 6 juin dans le cadre prestigieux du Pont du Gard, en présence de nombreux et gestionnaires de sites Unesco. Bien qu’encore jeune avec ses 8 ans d’existence, cette association n’en est pas moins devenue aujourd’hui un lieu incontournable d’échanges et d’entraide pour les responsables de sites et monuments classés au patrimoine mondial.
Le label Unesco, qui remonte à 1972, avait porté la barre haut en exigeant des Etats signataires qu’il s’engagent à assurer la protection de biens reconnus pour leur valeur universelle exceptionnelle. Mais le succès du label aidant, les responsables des sites naturels et des biens inscrits ont été confrontés au fil du temps à de multiples problématiques nouvelles. A la fois du fait de l’élargissement de la nature des biens classés qui s’est étendue notamment aux biens immatériels, mais aussi de la diversité des statuts des responsables de sites.
Comment faire coexister par exemple le label Unesco et la privatisation partielle de la gestion de certains biens ? Actualité oblige, il fut beaucoup question de la valorisation de la grotte Chauvet, confiée à un gestionnaire privé. Comme l’ont souligné ses représentants, il s’agit d’une délégation de service public. Et la gestion demeure bien entendu sous le contrôle total de l’etablissement public qui en est propriétaire.
Autre problématique, celle du bassin minier classé au patrimoine mondial et de son fleuron, la citadelle d’Arras. Avec le départ des militaires de la citadelle, un schéma inédit de développement a été adopté : la vente de certains bâtiments de la citadelle à un promoteur privé. « Mais cette fois encore, il a été affirmé par les représentants locaux que le promoteur privé devra répondre à un cahier des charges répondant aux critères d’exigence du label Unesco ».
Plus complexe dans ses effets, le cas de la juridiction de St-Emilion. Décerné en 1999, le label Unesco s’avère être aujourd’hui à la fois moteur de développement mais aussi perturbateur de la vie locale.
L’alliance entre le bâti et le non bâti avait été au cœur des critères du classement Unesco. Mais aujourd’hui, avec le rachat en série de vignobles par de grosses fortunes, on assiste à l’émergence de nouveaux chais immenses. La superficie moyenne des vignobles, qui était jusque là de 6 hectares en moyenne, a décuplé. Devenus propriétaires de plusieurs enclos, les nouveaux propriétaires détruisent peu à peu les petits chais pour les remplacer par de véritables monuments. Certes ceux-ci sont signés par des grands noms de l’architecture, mais leur silhouette transforme la paysage, avec des résultats pas toujours réussis. Dans le même temps on assiste à un reflux des habitants, ceux-là même qui avaient façonné le paysage tel qu’il avait été classé au titre du patrimoine mondial ,tandis que le nombre de touristes explose.
Eviter que le label Unesco soit dépassé par son succès, voilà le défi que devra relever l’Unesco. Une chose est sûre. « D’ores et déjà, les critères d’admission sont devenus beaucoup plus sévères « , a martelé Yves Dauge en concluant ces journées.
Geneviève Dupoux-Verneuil