Trop longtemps dissimulée aux regards par de hauts murs, la somptueuse abbaye de Rangéval, dans la Meuse, ouvre désormais ses grilles tous les dimanches à Géville. La magnificence du bâtiment et son écrin de verdure exceptionnel en font un véritable trésor. Edifiée au creux d’un vallon entre Commercy et Toul, le sanctuaire sort timidement de l’anonymat.
L’ancienne abbaye de Rangéval
D’emblée, avant de franchir la grille, on remarque les plaques des Monuments Historiques et de Vieilles Maisons Françaises (VMF). Puis on entre doucement dans le parc. A gauche, des ruines, à droite un joli verger, au fond le bâtiment conventuel. Seul un gardien âgé nous ouvre les portes mais Mr Briot, directeur de l’Office de tourisme de Commercy le connaît bien. Visite.
Fondée en 1150 par Hadwige, châtelaine d’Apremont et par le Chapitre de la cathédrale de Toul, la longue histoire de l’abbaye de Rangéval est liée à celle de l’ordre des Prémontrés. Ce dernier fut créé par Norbert et ses compagnons il y a près de 1 000 ans dans la forêt de Prémontré, près de Laon. Considéré comme l’un des grands ordres religieux du Moyen-âge avec les cisterciens et les bénédictins, l’ordre des Prémontrés, appelé aussi ordre norbertin, ou ordre blanc, comptait à la fin de l’Ancien Régime une centaine d’abbayes et de prieurés, presque tous situés au Nord de la Loire.
Malgré la destruction de l’édifice au cours de la Guerre de Trente Ans et à la suite de pillages successifs, la trésorerie des abbés réguliers de Rangéval a permis de reconstruire le monastère à la fin du XVIIème siècle.
Les bâtiments conventuels encore visibles aujourd’hui furent quant à eux élevés dans la première moitié du XVIIIème siècle. Le site et ses dépendances furent entourés d’un imposant mur d’enceinte en pierre de taille vers 1750. La révolution française chassa les religieux de l’abbaye, enlevant ainsi à ces lieux réguliers leur destination originelle. Le mobilier et les œuvres d’art furent également détruits ou volés. Si bien qu’après ce énième pillage, seules les ailes Nord et Est du carré claustral et le logis abbatial sont parvenus jusqu’à nous. Mais de nombreux trésors s’offrent aux yeux des visiteurs, à l’image du cloître voûté d’ogives, de la salle capitulaire à colonnes corinthiennes ou encore du réfectoire avec sa belle cheminée. Des travaux de restauration sont en cours (cloître notamment) avec, semble t-il, un bon savoir-faire.
Malgré la disparition d’une partie des bâtiments, cette abbaye des XVIIe et XVIIIe siècles correspond encore à l’idéal prémontré : une architecture monumentale dans un « bout du monde ». Les jardins conservent un vivier, un petit parc, un ensemble de roses anciennes et surtout un vaste verger qui prolonge une tradition monacale d’arboriculture fruitière où « Couilles du Pape » (prune), « Fondante des bois » (poire), coichier de Buhl… constituent un patrimoine de 200 variétés en majorité régionales (site classé Natura 2000).
G. Levet